C’est une menace avec laquelle doivent dorénavant vivre toutes les équipes d’urgentistes de France. Et même si beaucoup d’entre elles étaient déjà préparées aux nouveaux modes d’actions du terrorisme, les attentats du 13 novembre 2015 resteront un tournant dans l’histoire des secours d’urgence. « Nous avons dû prendre en charge un grand nombre de patients, victimes de blessures de guerre, sur six sites différents. Et cela nous a imposé de mettre en œuvre un plan qui avait été répété lors de multiples exercices, dont un mené le matin même du 13 novembre au Samu de Paris », explique le Pr Benoît Vivien, adjoint du chef de service du Samu de Paris à l’hôpital Necker-Enfants Malades.
Damage control
Un événement de ce type vient bien sûr bousculer la chaîne classique de secours. « Celle-ci repose d’abord sur un ramassage des blessés au niveau du site de l’événement, puis sur leur évacuation vers un point de rassemblement des victimes (PRV) ou un poste médical avancé (PMA). Cette organisation permet de délivrer les premiers soins aux blessés, puis d’assurer leur catégorisation et leur triage avant leur évacuation vers les hôpitaux », indique le Pr Vivien.
Des évacuations régulées
Mais face à un nombre important de patients, victimes de blessures de guerre, la priorité est d’appliquer les principes du « damage control », c’est-à-dire d’effectuer une prise en charge immédiate des lésions vitales hémorragiques afin de stopper le saignement, ce qui a pour but de stabiliser le patient et permettre de le conduire très rapidement vers une structure hospitalière adaptée. « Dans ce cas, au lieu de mettre en place un véritable poste médical avancé (PMA), on va plutôt effectuer une médicalisation directement au niveau du PRV. L’objectif est de mettre en place un circuit de transfert préhospitalier du patient qui soit accéléré, en l’évacuant directement vers un bloc opératoire, indique le Pr Vivien. Mais, chaque victime doit bien évidemment avoir fait l’objet d’une évaluation médicale sur le site de l’attentat, et toutes les évacuations vers les structures hospitalières sont régulées par un médecin du Samu », ajoute-t-il.
Face à ces lésions hémorragiques, il est alors crucial, qu’avant même l’arrivée des premières équipes de Smur, des premiers secours puissent être délivrés par des personnes présentes sur le site de l’événement. « Jusqu’à présent, dans la formation de la population aux gestes de premiers secours, on se focalisait sur l’enseignement du massage cardiaque. Désormais, on y associe des formations à certains gestes indispensables face à des lésions traumatiques, tel que la mise en place d’un garrot. C’est important qu’un premier garrot puisse être posé par un personnel non médical le temps que les secours médicaux arrivent. À titre d’exemple, lors des attentats du 13 novembre, des vies ont ainsi pu être sauvées grâce à une vingtaine de garrots posés par des militaires sentinelles de l’opération Vigipirate », indique le Pr Vivien.
Assurer aussi les urgences vitales quotidiennes
Pour faire face à des attentats, perpétués sur différents sites, le Samu de Paris a conçu depuis 2006 un plan d’intervention préhospitalière multisite, intitulé « plan camembert ». « L’idée est de découper Paris en plusieurs portions ayant chacune une relative autonomie d’action, dans le cadre d’une gestion centralisée au niveau du Samu zonal, indique le Pr Vivien. Ce plan consiste à fragmenter l’ensemble des ressources pré- et intrahospitalières pour assurer une répartition homogène des moyens, et revient finalement à transformer un événement multisites en une juxtaposition d’événements monosites, mais tout en gardant une coordination centralisée de l’ensemble du dispositif. Le soir du 13 novembre, c’est la portion « nord » qui a géré l’attentat du stade de France. Les secours ont été assurés par le Samu 93 avec l’aide du Samu 92 et 95. Et nous avons assuré la gestion des attentats dans Paris dans la portion « sud-est » avec l’aide des autres Samu d’Ile-de-France de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Mais la portion « nord-ouest » restait opérationnelle au cas où d’autres événements s’y seraient produits ce soir. L’essentiel est d’agir de manière raisonnée pour ne pas envoyer toutes les équipes simultanément au même endroit », indique le Pr Vivien. « Il faut également garder des moyens disponibles pour assurer les urgences vitales quotidiennes. Le soir du 13 novembre, nous avons ainsi pris en charge 3 patients victimes d’un infarctus du myocarde qui ont été transférés directement vers une table de coronarographie, comme une nuit de garde habituelle ».
D’après un entretien avec le Pr Benoît Vivien, adjoint du chef de service du Samu de Paris à l’hôpital Necker - Enfants Malades
Article précédent
La simulation, un outil pour mieux former ?
Au-delà de la prise en charge
Place de l’échographie aux urgences
Vers une prise en charge en ambulatoire non grave
Thrombolyse et/ou thrombectomie ?
La morphine en débat
Quelles perspectives?
L'ECMO en seconde intention
La simulation, un outil pour mieux former ?
Réagir de manière raisonnée
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique