« De nombreuses études ont montré la faisabilité d'une telle stratégie pour les embolies pulmonaires (EP) non graves sans majoration des complications. Cette option a été intégrée dans les recommandations internationales. Toutefois les critères de sélection des patients restent discutés et des filières de soins dédiées doivent être mises en place pour le suivi avant de pouvoir déployer cette stratégie », selon le Pr Pierre Marie Roy (CHU d'Angers).
Un faible taux de complications
Dès les premières études testant la stratégie ambulatoire, le taux de complications paraissait raisonnable. Une étude rétrospective récente suggère même qu'Il serait plus faible en ambulatoire qu'à hôpital (1). Et des études randomisées et de cohorte ont confirmé la sécurité de ce mode de prise en charge versus hospitalisation (2). Pour les EP à faible risque de décès selon le score clinique PESI et n’ayant pas de contre-indication médicale ou sociale au traitement ambulatoire, l'étude OTPE a montré que le taux de complications ne différait pas. À 3 mois on est à moins de 1 % de décès, moins de 2 % d'hémorragies graves et moins de 1 % de récidives thrombo-emboliques (3). Il n'y a pas plus de différences que quand les patients étaient sélectionnés sur le taux de NT-proBNP ou sur des critères pragmatiques regroupés dans la règle Hestia (2). Et l’étude VESTA a montré qu’ajouter à la règle Hestia le NT-ProBNP ne modifiait pas la balance (4). « Autrement dit les critères cliniques pragmatiques suffisent à sélectionner les patients pour une prise en charge en ambulatoire ».
Sélection sur des items cliniques
En 2014, les recommandations européennes (ESC) ont introduit la possibilité de traitement ambulatoire sur la base du score PESI ou PESI simplifié. En 2016 les recommandations américaines (ACCP) sont allées plus loin. Le traitement ambulatoire y est privilégié (2B) mais sans rendre obligatoire l’utilisation d’un score de gravité. « Les critères retenus sont 1) la stabilité hémodynamique ; 2) l'absence de contre-indication : hémorragie récente, insuffisance rénale sévère, pathologie hépatique, thrombopénie profonde ; 3) un patient compliant au traitement et ayant confiance dans un traitement ambulatoire, résume PM Roy. Ces items sont très proches de la règle Hestia. Mais finalement que retenir aujourd'hui : score PESI simplifié et/ou la règle Hestia ? Pour éclairer le débat, une étude internationale randomisée est en cours pour comparer les taux de complications après sélection sur le score PESI simplifié versus règle Hestia. S'ils s'avèrent équivalents, près de 50 % des EP pourraient être concernés par l'ambulatoire (Hestia) quand on est autour de 20-30 % en se basant sur le score PESI ».
Nécessité d'un suivi dédié coordonné
Point majeur, toutes les études cliniques incluaient un suivi dédié systématique associant une consultation rapprochée à 24-72 heures plus un suivi régulier. Ce suivi est indispensable pour ré-évaluer le traitement, dépister des complications, mais aussi mener l'enquête étiologique et préciser la durée du traitement anticoagulant. « Développer l'ambulatoire suppose en pratique clinique, la mise en place de filières de soins dédiées en coordination avec le médecin traitant. Sachant qu'aujourd'hui en France 95 % sont hospitalisées avec un temps de séjour moyen de 10 jours, les possibilités de progression sont majeures, souligne PM Roy. Dans plusieurs régions ces filières basées sur des consultations hospitalières dédiées sont en train de se mettre en place. À Angers la première consultation a lieu au centre vasculaire dans les 72 heures suivant l’admission aux urgences, la seconde est en général assurée par le médecin généraliste puis un suivi coordonné est organisé. On est ainsi passé en peu de temps à 15 % d'EP prises en charge en ambulatoire et l'on vise les 25-30 % à l'avenir ».
D'après un entretien avec le Pr Pierre Marie Roy (CHU d'Angers, département de médecine d’urgence et centre vasculaire et de la coagulation)
(1) Roy PM et al. Net clinical benefit of hospitalization versus outpatient management of patients with acute pulmonary embolism. J Thromb Haemost. 2017;15:685-94
(2) Roy PM et al. Outpatient management of pulmonary embolism. Thromb Research 2017 (in press)Aujesky D. et al. Outpatient versus inpatient treatment for patients with acute pulmonary embolism: an international, open-label, randomised, non-inferiority trial. Lancet 2011;378:41-8
(3) Den Exter PL et al. Efficacy and Safety of Outpatient Treatment Based on the Hestia Clinical Decision Rule with or without N-Terminal Pro-Brain Natriuretic Peptide Testing in Patients with Acute Pulmonary Embolism. A Randomized Clinical Trial. Am J Respir Crit Care Med 2016;194:998-16
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