Substances « éveillantes » bien connues, café et nicotine pénètrent le cerveau pour le stimuler. L’effet de la caféine est dû à son action antagoniste des récepteurs à l’adénosine, neuromodulateur du système nerveux central qui facilite le sommeil. « Lorsque l’on veille trop longtemps, l’adénosine s’accumule dans le cerveau antérieur et bloque progressivement les systèmes d’éveil entraînant l’envie de dormir. La caféine agit en bloquant les récepteurs à l’adénosine et s’oppose ainsi à son effet somnifère, explique la professeuse Isabelle Arnulf, neurologue au service des pathologies du sommeil, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris. La caféine met une demi-heure à atteindre le cerveau et son effet dure environ quatre heures. » Le cerveau est aussi stimulé par de nombreux autres neurotransmetteurs : adrénaline, noradrénaline, dopamine, sérotonine, acétylcholine, etc., qui provoquent l’éveil.
Cependant, au bout d’un certain temps, dormir devient une nécessité. Et, pour s’endormir, il faut alors une inactivation des systèmes d’éveil et notamment, celle du système cholinergique, situé dans le noyau de Meynert du télencéphale basal.
C’est là que la nicotine agit, en imitant l’action de l’acétylcholine et en favorisant ainsi l’éveil. « L’acétylcholine a un effet stimulant cognitif et participe à l’effort de concentration dans la journée. Elle agit aussi pendant le sommeil. En effet, dans la deuxième partie de la nuit, au stade de sommeil paradoxal, la phase du rêve, le cerveau est réactivé par l’acétylcholine provenant du tronc cérébral », déclare la Pr Arnulf.
Des effets synergiques
Les produits qui favorisent la transmission cholinergique (anticholinestérasiques dans la maladie d’Alzheimer, nicotine, substituts et agonistes nicotiniques) peuvent donc être éveillants et il faut éviter de les prendre le soir ou la nuit. Ils provoquent des réveils fréquents et une diminution de la durée totale de sommeil. Ils peuvent aussi rendre les rêves plus intenses, plus lucides, voire plus cauchemardesques, surtout au début de leur usage.
« Café et cigarettes sont synergiques : le café lève le frein sédatif sur le noyau basal d’éveil et la nicotine accélère l’éveil directement sur ce même noyau. Nicotine et caféine ont des effets plus nets quand on les débute, et moindre avec l’usage (désensibilisation des récepteurs avec l’excès). Ils peuvent être dérégulés si on arrête brutalement la nicotine ou la caféine », ajoute la Pr Arnulf. Apparaissent alors des symptômes (insomnie, fatigue, mauvais rêves), qui traduisent la façon dont le cerveau retrouve peu à peu son fonctionnement de base.
Les troubles du sommeil rendent le sevrage tabagique plus difficile et favorisent les rechutes. Ils doivent donc être pris en compte pendant la durée de sevrage tabagique.
Entretien avec la Pr Isabelle Arnulf, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
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