« Ce n’est pas parce qu’un médecin fait peur à son patient en l’alertant sur le risque de cancer lié à sa consommation tabagique, que ce dernier est suffisamment motivé pour arrêter de fumer ! Il a besoin d’aide pour se motiver et c’est justement le rôle de l’entretien motivationnel », explique la Dr Anne Dansou, pneumologue tabacologue, PH à l’unité de coordination de tabacologie du CHU de Tours.
Conversation décontractée, chaleureuse, en miroir
Mais comment aider quelqu’un à se motiver à faire quelque chose qui lui fait peur ou lui déplaît partiellement, sans le braquer, ni l’agresser ? C’est tout l’art de l’entretien motivationnel : la conversation qui est menée avec un patient sur le thème de son changement d’habitude (celle de fumer), demande beaucoup de savoir-faire en dépit de son apparente décontraction. « Les maîtres mots de cette alliance où l’on va les faire parler d’eux, sont la chaleur, le professionnalisme, l’authenticité et l’empathie », confirme la Dr Dansou. Ainsi, il n’y a pas de place aux questions, conseils ou aux opinions propres du tabacologue. « Le tabacologue devient une sorte de miroir dans lequel le patient se voit valorisé et progresse. Pour cela, le tabacologue utilise la reformulation. Cela demande d’écouter et de restituer au patient ce qu’il a dit, en modifiant très légèrement ses propos pour le faire avancer et l’aider à puiser dans ses propres ressources », explique-t-elle. Par exemple, si un patient dit « si j’arrête de fumer, je vais tomber malade », le tabacologue peut lui répondre « vous vous sentez protégé en fumant » afin de faire comprendre au patient que c’est plutôt le changement — le fait de passer de l’état de fumeur à celui de non-fumeur — qui lui fait peur. En moyenne, cinq à huit séances suffisent et un tiers des patients arrêtent de fumer.
Place au ressenti et à l’action
La pleine conscience est aussi un bon outil pour changer de comportement. « En effet, beaucoup de fumeurs ne sont pas dans l’instant présent et agissent plutôt par automatisme et impulsivité. Lorsqu’un évènement les stresse, ils l’évitent en fumant au lieu de s’intéresser à ce qu’ils ressentent vraiment », explique la Dr Dansou. La pleine conscience les aide prendre conscience de leur ressenti sans jugement, mais comme un observateur externe et qui n’aurait donc pas besoin de fumer pour se dérober à la situation.
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ont aussi pour objectif de sortir le fumeur de certaines pensées automatiques (« je fume pour baisser mon niveau de tension avant un rendez-vous important ») et à trouver d’autres ressources en se focalisant sur ce qu’il souhaite faire : par exemple, diviser sa consommation par deux. Grâce aux TCC, le fumeur anticipe les actions qu’il va mener dans les prochains jours pour arriver à baisser sa consommation selon son souhait. Pour y parvenir, il faut d’abord identifier ce qui l’empêche de passer à l’acte, comme la peur de grossir, etc., car ces freins sont puissants. Pour les lever, il faut alors faire réfléchir le fumeur sur ce qu’il pourrait faire — par exemple, une cigarette lui faisant dépenser 10 calories, s’il en fume 10 par jour, il doit dépenser 100 calories au quotidien (ce qui correspond à tel sport pratiqué pendant tant de minutes) et ainsi ne pas grossir. Quand tout vient de lui, c’est partiellement gagné !
Entretien avec la Dr Anne Dansou, pneumologue tabacologue, PH à l’unité de coordination de tabacologie du CHU de Tours
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