L’impact négatif du tabagisme féminin sur la fertilité est bien démontré. Les risques thromboemboliques du tabac s’ajoutent à ceux des traitements de l’Assistance médicale à la procréation (AMP). De plus, en cas de grossesse, le tabagisme s’avère délétère : risque accru de fausses couches, de grossesses extra-utérines, de rupture prématurée des membranes, d’accouchement prématuré… « D’où l’importance de recommander un arrêt impératif du tabac chez les femmes avant toute conception (y compris par AMP) et de leur proposer une prise en charge spécifique. Si beaucoup de jeunes femmes ne pensent guère au sevrage, c’est parce qu’elles sont persuadées qu’elles n’auront aucun mal à arrêter le jour où elles débuteront une grossesse. La dépendance nicotinique est souvent minimisée et la motivation à l’arrêt, pourtant importante dans ce cas, ne suffit pas à elle seule à obtenir un arrêt complet du tabac et à le maintenir », souligne la Dr Nathalie Wirth, responsable de l’unité de coordination de tabacologie, département de pneumologie, CHRU de Nancy.
Avant, c’est mieux !
Lorsque les équipes de l’AMP recommandent fortement l’arrêt du tabac et que les femmes fumeuses sont motivées par un désir de grossesse, la plupart réduisent spontanément leur consommation… mais sans pouvoir l’arrêter en raison d’une dépendance nicotinique forte. « Réduire la consommation de tabac, ce que beaucoup d’entre elles tentent de faire car elles culpabilisent, n’est pas suffisamment efficace, en raison du phénomène de compensation qui se traduit par une modification du mode de fumage, afin d’éviter le manque nicotinique. De ce fait, l’intoxication tabagique n’est pas réduite », appuie la Dr Wirth.
Par ailleurs, des craintes injustifiées s’ajoutent aux difficultés rencontrées par les patientes, comme la peur de majorer leur stress, « alors que l’arrêt du tabac, réalisé selon les recommandations de bonne pratique clinique, permet de limiter le manque nicotinique, facteur majeur d’anxiété, explique la spécialiste. La prise de poids pendant la grossesse et l’idée que l’arrêt de la cigarette va aggraver ce problème, est également un frein pour certaines et cela doit être pris en considération. » Enfin, un entourage fumeur proche, tel que le conjoint, ne facilite pas toujours l’arrêt car les tentations restent fréquentes.
Une prise en charge urgente
Le tabagisme pendant la grossesse est un facteur de risque important de comorbidités et doit être considéré comme une urgence à prendre la future mère en charge rapidement, voire dans l’idéal, avant toute conception. La consultation tabacologique doit être spécifique et proposer une prise en charge cognitive et comportementale accompagnée — en cas de dépendance nicotinique avérée — d’une prescription adaptée et personnalisée de substituts nicotiniques.
« Ces consultations spécialisées de l’addiction à la nicotine permettent d’augmenter de façon significative les taux de sevrage tabagique et devraient être proposées de façon systématique à toutes les femmes, après le conseil d’arrêt du tabac qui est délivré dès le début de leur parcours de soins en AMP. Le suivi doit se faire tout au long de la grossesse, ainsi que dans le post-partum, en raison des rechutes fréquentes chez ces femmes pour qui il s’agit souvent d’une première tentative d’arrêt et d’une première prise de conscience de l’importance de la dépendance nicotinique », souligne la Dr Wirth.
Entretien avec la Dr Nathalie Wirth, responsable de l’unité de coordination de tabacologie, département de pneumologie, CHRU de Nancy
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