Dans les études cliniques, on trouve une plus grande difficulté pour les femmes à arrêter de fumer, mais qui n’est pas reproduite dans les études en population générale. Jarvis (1) a comparé les taux d’arrêt du tabac selon le sexe et l’âge et n’a pas trouvé de différences entre femmes et hommes. Il a alerté sur le danger de laisser se propager le mythe d’une difficulté supérieure du sevrage pour les femmes, qui pourraient être ainsi découragées de tenter ou de persévérer.
Il y a pourtant des différences fonctionnelles et anatomiques importantes entre les cerveaux masculins et féminins (2) : dans les circuits dopaminergiques, sérotoninergiques et Gabaergiques, plus de matière blanche chez les hommes et plus de matière grise ainsi qu’un flux cérébral global supérieur chez les femmes.
Il a été montré que les femmes et les hommes fumaient pour des raisons différentes. Elles fument plus pour réguler leur humeur et en réaction à des stimuli environnementaux. Ils sont plus à la recherche de l’effet pharmacologique de la nicotine. Ils bénéficieraient donc plus des patchs nicotiniques. Cela se retrouve en imagerie cérébrale (3), les fumeurs activant la dopamine dans le striatum ventral (circuit de récompense) les fumeuses l’activant dans le striatum dorsal (circuit des habitudes).
Les différences cérébrales fonctionnelles ou anatomiques entre les hommes et les femmes peuvent être génétiques (chaque cellule de l’organisme étant soit 46 XX soit 46 XY), ou gonadiques : l’effet des estrogènes et de la progestérone pendant le développement ou au cours de la vie. Des études animales et humaines suggèrent que les estrogènes ont tendance à augmenter le risque d’addiction et la progestérone le diminuer. En plus de leurs effets sur la reproduction, la progestérone et ses métabolites ont des fonctions de régulation des signaux neuronaux, par un effet génomique ou non, en activant alors des récepteurs membranaires (stéroïdes neuroactifs). La progestérone a, en particulier, un effet sur le système inhibiteur Gabaergique qui réduit l’activation du système de récompense.
Récemment, Tosun a publié une étude (4) de l’effet d’un traitement à la progestérone lors de l’arrêt par un essai randomisé contre placebo auprès de 113 fumeurs et 103 fumeuses. Chez les femmes, il y avait moins de fumeuses à 4 semaines dans le groupe progestérone (n = 35,3 vs 17,3 ; OR = 2,61). Une différence qui n’a pas été retrouvée chez les hommes.
Santé publique France
(1) Jarvis MJ et al. Tob Control. 2013;22(5):356-60
(2) Cosgrove KP et al. Biol Psychiatry. 2007;62(8):847-55
(3) Cosgrove KP et al. J Neurosci. 2014;34(50):16851-5
(4) Tosun NL et al. Addiction. 2019 Oct;114(10):1800-13
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