Deux ans après la saisine du ministère de la Santé, le Haut conseil de la santé publique (HSCP) a actualisé en janvier 2022 son avis relatif au rapport bénéfices/risques de la cigarette électronique. Une occasion de poser de nouvelles questions et de formuler des recommandations, en lien avec l’évolution des produits comme des usages. Membre du groupe de travail du HSCP, le Dr Ivan Berlin (Ap-Hp) a notamment travaillé sur cette question : le vapotage constitue-t-il un outil d’aide au sevrage tabagique ? « Les systèmes électroniques de délivrance de la nicotine (Seden), avec ou sans nicotine (Sedensn), sont largement utilisés, détaille-t-il. Or, les opinions des autorités de santé, des établissements et des cliniciens sont très divergentes quant à leur efficacité pour aider les fumeurs à arrêter de fumer. Nous avons donc cherché à savoir si celle-ci est démontrée et à quel niveau de risque, et s’ils réduisent les risques pour la santé associés au tabagisme. »
Données insuffisantes
Une analyse approfondie de la littérature a été réalisée, en mettant l’accent sur la qualité méthodologique des publications. « Il faut toujours rappeler que la cigarette électronique n’est pas un produit de santé, nulle part dans le monde. Les connaissances sont insuffisantes parce que peu recueillies quant à leurs effets indésirables et interactions avec d’autres substances. Pourtant, inhaler un aérosol est loin d’être anodin. Cela devrait être étudié comme un produit de santé car cela nous permettrait de connaître les risques associés », plaide le Dr Berlin.
Mais il faut composer avec les recherches existantes… et parvenir à des conclusions. « Les données sont insuffisantes pour évaluer avec confiance le profil bénéfice-risque des Seden dans le sevrage tabagique par rapport à d’autres interventions validées, note le Dr Berlin. Nous ne proposons donc pas aux professionnels de santé d’en promouvoir l’usage. Et, dans la mesure du possible, les médicaments disponibles dont l’efficacité a été démontrée doivent être utilisés. » Cependant, le groupe de travail ne s’oppose pas à l’utilisation de la cigarette électronique en dehors du système de santé. « Certains patients ont arrêté avec ce produit, on ne peut le nier », ajoute-t-il. Enfin, à ce jour, faute de données, aucune conclusion ne peut être tirée quant au bénéfice des Seden dans la réduction des risques associés au tabac.
Populations spécifiques
Certains fumeurs se caractérisent par une prévalence élevée de la consommation de tabac, des difficultés à arrêter malgré les conséquences de son usage et un faible statut social. « Il s’agit notamment des personnes souffrant de maladies liées au tabac, de maladies psychiatriques ou de co-addictions, précise la Dr Anne-Laurence Le Faou (Ap-Hp), membre du groupe de travail du HCSP et présidente de la Société francophone de Tabacologie (SFT). Les adolescents et les femmes enceintes constituent aussi des groupes spécifiques de fumeurs. » Chez ces différents groupes, la cigarette électronique est-elle pertinente pour réussir à arrêter de fumer ? « Les données dont on dispose montrent que les cigarettes électroniques sont bien acceptées, généralement utilisées chez ces adultes pour se sevrer mais les essais randomisés comparant son utilisation à celle d’un traitement validé du sevrage tabagique pour arrêter de fumer sont rares concernant ces groupes. Il faut aussi avoir à l’esprit le fait que si les personnes utilisent la cigarette électronique, l’arrêt du tabac doit être complet, la réduction de consommation ne pouvant être qu’une étape temporaire avant son arrêt », souligne la Dr Le Faou.
En conséquence, le HCSP retient la cigarette électronique pour le sevrage des groupes spécifiques en cas d’échecs antérieurs des traitements validés, d’une absence d’adhésion à ces traitements ou en cas de préférence pour la cigarette électronique. « Cela étant dit, améliorer les connaissances sur l’aide potentielle de ces produits au sevrage chez les groupes spécifiques de fumeurs est impératif », complète la Dr Le Faou.
Les questions des jeunes et de la renormalisation font aussi l’objet d’interventions détaillées lors du congrès.
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