« LA DÉNOMINATION tabacologie et la formation spécifique de tabacologues pour prendre en charge les fumeurs est une particularité bien française, que l’on doit en grande partie aux Prs Robert Molimard et Gilbert Lagrue », rappelle le Dr Ivan Berlin, président de la Société française de tabacologie (SFT). Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, notamment anglo-saxons, où le sevrage tabagique est surtout du ressort des psychologues, en France ce sont les médecins qui sont au premier plan. Ces derniers peuvent bénéficier d’une formation spécifique, délivrée par cinq diplômes interuniversitaires de tabacologie (DIU), proposés à Montpellier-Toulouse, Lyon-Saint-Étienne, Metz-Nancy, Brest-Tours et Paris-Ile-de-France. « Le programme de ces DIU est relativement lourd, puisqu’il comporte de 80 à 100 heures de cours, un stage et un mémoire. Ils attirent majoritairement des médecins, mais aussi des sages-femmes, qui sont de plus en plus impliquées dans la prise en charge des quelque 20 % de femmes enceintes fumeuses. Depuis la création du DIU il y a une dizaine d’années, environ 2 000 tabacologues ont été formés, qui exercent principalement dans les hôpitaux et dispensaires. Ce qui ne peut pas suffire à répondre aux besoins si la prise en charge des fumeurs se répartit, comme nous le préconisons, entre les tabacologues, chargés plutôt du sevrage des patients adressés par un spécialiste (cardiologue, pneumologue…), et les médecins généralistes, en charge de leurs patients fumeurs », souligne le Dr Berlin.
Actuellement, les spécialistes n’adressent qu’insuffisamment leurs patients au tabacologue et les médecins généralistes déclarent manquer souvent de temps pour aider leurs patients dans leur démarche de sevrage tabagique. « Ce qui est très regrettable eu égard à l’excellent rapport coût/efficacité du sevrage tabagique : le coût d’une vie gagnée est de 600 euros avec le sevrage, de 15 000 euros avec une statine en prévention primaire et de 10 000 euros en prévention secondaire », souligne le Dr Berlin. Au Royaume-Uni, comme en Australie ou en Nouvelle-Zélande, qui sont trois pays leaders en termes de réduction de la prévalence du tabagisme, le sevrage relève des médecins généralistes. Au Royaume-Uni, les généralistes reçoivent un complément financier du National Health Service (NHS) pour cette tâche et les traitements du sevrage sont remboursés.
Pour un remboursement adéquat.
Créée en 1984 et forte de quelque 300 membres, la SFT a notamment pour mission l’organisation et la promotion de l’enseignement de la tabacologie, la promotion de recherches scientifiques et la diffusion des avancées dans le domaine.
Le congrès annuel offre l’opportunité de débats et d’un partage des connaissances. Sa prochaine édition, « Tabacologie sans frontières », qui se déroule à Nancy les 17 et 18 novembre, ouvre largement ses portes à des collègues Suisses, Belges et Luxembourgeois.
La SFT est également un partenaire des autorités de santé, auprès desquelles elle joue un rôle de conseil. Elle a été auditionnée dans le cadre de la mission ministérielle sur la situation du tabagisme en France, qui devrait remettre un rapport en janvier 2012.
Cette société souhaiterait que les traitements du sevrage soient évalués comme les autres médicaments, avec une négociation du remboursement en prévention primaire et secondaire. « Actuellement, le remboursement est de 50 euros par personne et par an pour les substituts nicotiniques et le bupropion (la varénicline a été retirée de la liste des traitements remboursés en septembre dernier), ce qui correspond à environ 15 jours de traitement. Ce remboursement est de faible utilité et d’efficacité nulle. Le non-remboursement freine le sevrage, d’autant que pour de nombreux patients, l’absence de remboursement est interprétée comme une preuve d’inefficacité », souligne le Dr Berlin.
D’après un entretien avec le Dr Ivan Berlin, président de la Société française de tabacologie (SFT).
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