L’INTERDICTION de la vente du tabac n’est pas envisagée : en raison du très grand nombre d’adultes dépendants, parfois fortement, la « prohibition » pourrait en effet conduire à une explosion de la contrebande, avec tous les désordres sociaux qui en découlent, comme cela a pu être observé aux États-Unis avec l’alcool.
Pour contrôler la demande de tabac, la fiscalité représente l’outil le plus efficace : une augmentation d’au moins 10 % du prix du tabac entraîne une baisse durable de la consommation : les augmentations successives de prix en 2003 et 2004 (+ 42 %), instaurées dans le cadre du premier Plan cancer, ont permis de réduire de 10 % le nombre de fumeurs. En revanche, une augmentation moins notable, comme celles de 6 % en 2007, 2009, 2010, 2011, n’est pas efficace car elle ne conduit pas à une cassure dans les prix et donc dans les comportements.
Ces mesures, dites fiscales, sont particulièrement efficaces chez les sujets des classes socio-économiques les plus défavorisées - qui sont plus souvent fumeurs et qui paient un lourd tribut aux maladies liées au tabagisme - et chez les adolescents.
« Il faut préciser que l’augmentation du prix doit porter sur le pourcentage de taxes et non pas sur les parts revenant aux industriels et aux buralistes, ce qui n’est pas le cas », insiste le Pr Yves Martinet, président du comité national contre le tabagisme (CNCT). « En outre, il serait licite que le profil de taxes soit le même pour tous les types de tabac, alors qu’il existe actuellement un grand différentiel entre les cigarettes manufacturées et le tabac à rouler et les cigares, moins taxés, ce qui conduit à un glissement des consommations lors d’une augmentation des prix. »
Accessibilité et attractivité.
Autre grande mesure : réduire l’accessibilité au produit. Seul un buraliste sur trois respecte l’interdiction de vente de tabac aux mineurs et 80 % des buralistes font de la publicité sur le lieu de vente, ce qui est interdit. En pratique, les plus jeunes sont attirés vers les bureaux de tabac pour acheter des bonbons et sont alors sur place soumis à la publicité pour les cigarettes. Les cigarettiers ont même inventé le « tabac-bonbon » en proposant des produits du tabac aromatisés qui permettent à l’enfant de passer du bonbon au tabac-bonbon.
Autre cheval de bataille : l’emballage des produits du tabac, qui est fait pour être attrayant, en particulier auprès des plus jeunes et des femmes. « Le paquet est fait pour séduire, il constitue en lui-même un support publicitaire. C’est pourquoi le CNCT demande que les paquets soient neutres, standardisés et fassent appel à un papier kraft avec des photos dissuasives. L’Australie a décidé de mettre ce type de paquet en œuvre à partir de 2012, mais l’industrie du tabac est vent debout contre cette disposition », rapporte le Pr Martinet.
Parmi les mesures recommandées, il faut également citer la lutte contre les trafics illicites du tabac et la limitation des échanges transfrontaliers. « Le trafic de cigarettes est en fait relativement marginal en France, où moins de 5 % des cigarettes vendues sont de contrebande. Il importe à cet égard de rappeler que l’importance du trafic dans un pays n’est pas liée au prix du paquet mais à la présence du crime organisé. Les ventes transfrontalières constituent un vrai problème, qui doit inciter à mener une réflexion à l’échelon européen, tout en sachant que l’on se heurte rapidement à l’argument du libre-échange. »
La protection vis-à-vis du tabagisme passif est bien sûr une mesure majeure de la CCLAT.
Mais le point le plus important de cette convention, signée et ratifiée par la France et l’Union européenne en février 2005, est sans doute l’article 5.3 qui recommande la protection des pouvoirs publics de l’interférence de l’industrie du tabac, dans la définition des politiques de santé publique en matière de lutte anti-tabac. « L’industrie doit absolument être exclue des décisions et le CNCT s’efforce de faire connaître ces obligations aux responsables politiques et d’alerter sur les dérives », insiste le Pr Martinet.
D’après un entretien avec le Pr Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme, chef du service de pneumologie, CHU, Nancy.
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