LES RÉSULTATS de l’enquête nationale périnatale 2010 soulignent l’évolution favorable de la consommation tabagique au cours de la grossesse. En 2003, 35,9 % des femmes déclaraient fumer en dehors de la grossesse, versus 30,5 % en 2010. Et au cours du 3e trimestre de grossesse, la proportion de fumeuses est passée de 20,8 % en 2003 à 17,1 % en 2010. La part des fumeuses de plus de 10 cigarettes par jour est passée de 8 % à 4,9 %.
« Ainsi, parmi celles qui continuent à fumer, la majorité tend à réduire sa consommation, car elles culpabilisent. Ces femmes présentent bien souvent une forte dépendance et nécessitent une prise en charge adaptée car la seule diminution de leur consommation est faussement rassurante. Du fait de leur dépendance, elles ont en effet tendance à fumer autrement pour compenser le manque de nicotine. Et in fine, ce phénomène de compensation enlève tout bénéfice pour l’enfant à venir qui, rappelons-le, souffre de l’hypoxie relative liée au monoxyde de carbone », rappelle le Dr Nathalie Wirth. Les conséquences du tabagisme pendant la grossesse ne sont pas toujours bien connues des femmes : augmentation dose-dépendante du risque de fausse couche et de grossesse extra-utérine, risque accru d’hématome rétroplacentaire, de placenta praevia, de prématurité et retard de croissance intra-utérine (RCIU), dont les répercussions sur la santé de l’enfant sont souvent minimisées. Le tabagisme au cours de la grossesse est également impliqué dans la mort subite du nourrisson, d’autant plus si celui-ci est poursuivi après l’accouchement. L’exposition au tabagisme passif des enfants après l’accouchement augmente également le risque de survenue de maladies respiratoires hautes ou basses.
Lors de la prise en charge, il est important de bien rechercher l’existence de facteurs pouvant compliquer l’arrêt du tabac : prise de cannabis, d’alcool, comorbidités telles que troubles anxieux ou dépressifs. « Il faut que l’arrêt du tabac se fasse dans de bonnes conditions, et en particulier qu’il n’exacerbe pas un trouble associé, l’anxiété notamment. Mais il est tout à fait possible d’arrêter de fumer sans être plus anxieux qu’auparavant, et dire aux femmes qu’il vaut mieux garder une petite consommation pour avoir une grossesse sereine est un mauvais conseil », insiste le Dr Nathalie Wirth.
La motivation de la femme doit bien sûr être évaluée, car sans motivation, le sevrage est difficile. Le problème est que, fréquemment, la femme est motivée pour son futur enfant mais pas pour elle-même, ce qui explique la fréquence de la reprise de la consommation de tabac dès les premiers mois suivant la fin de la grossesse. Les fumeurs passent par différents stades de motivation à l’arrêt du tabac et celui de la maturité n’est que rarement atteint au moment de la grossesse. Il faut donc renforcer cette motivation, ce qui se fait notamment à l’aide d’une thérapie cognitivo-comportementale (TCC), qui permet également de réapprendre à vivre sans cigarette. « Nous proposons systématiquement une TCC aux femmes, à laquelle nous associons un traitement nicotinique en cas de dépendance physique. La posologie des substituts nicotiniques est adaptée à la dépendance de chacune et la combinaison de patchs (idéalement ôtés durant la nuit) et de nicotine par voie orale est possible. Depuis le 1er septembre 2011, les substituts nicotiniques bénéficient, sur prescription par un médecin ou une sage-femme, d’un remboursement de 150 euros en cas de grossesse. ».
Il s’agit d’un suivi sur le long terme, d’au moins une année, et il serait très judicieux d’inciter les femmes à arrêter de fumer avant d’être enceintes. Ceci permettrait d’éviter de se retrouver « pris par le temps » comme cela est le cas en début de grossesse, où toute femme continuant de fumer doit être rapidement adressée à une consultation spécialisée.
Et ce d’autant que l’arrêt du tabagisme est également bénéfique en termes de fertilité, cette dernière étant réduite de façon dose-dépendante chez les fumeuses (et aussi chez les fumeurs). Le tabagisme est une cause bien connue d’échec dans les services de procréation médicale assistée.
D’après un entretien avec le Dr Nathalie Wirth, consultation d’aide au sevrage tabagique (CHU de Nancy).
Article précédent
Réduire l’offre et la demande
Article suivant
Un début à l’hôpital, un relais en ville
La première clope
Réduire l’offre et la demande
Moins fumer est insuffisant
Un début à l’hôpital, un relais en ville
Les particularismes français
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?