L’une des marges de progrès dans la prise en charge de l’hypertension (HTA) concerne la mesure même de la pression artérielle (PA), qui, pour être fiable et reproductible, doit répondre à certains critères loin d’être toujours respectés en pratique : recours à un appareil validé, mesure après cinq minutes en position assise dans un environnement calme, brassard positionné au niveau du bras en appui, moyenne de trois mesures. Une fois de plus, les mesures en dehors du cabinet médical sont fortement recommandées pour le diagnostic, car elles permettent de dépister à la fois les hypertensions « blouse blanche » et les HTA masquées.
La PA élevée à ne pas négliger
Une nouvelle classification est proposée. Si l’HTA reste définie par une PA ≥ 140/90 mmHg au cabinet médical (≥ 135/85 mmHg en automesure à domicile), les recommandations différencient, pour les valeurs inférieures à ces seuils, la PA non élevée (< 120/70 mmHg au cabinet et à domicile) et la PA élevée (PAS entre 120 et 139 mmHg et PAD entre 70 et 89 mmHg au cabinet et entre 120 et 134 mmHg et 70 et 84 mmHg à domicile).
Ainsi, un traitement antihypertenseur peut être indiqué chez un patient dès le stade de PAS élevée en cas de haut risque cardiovasculaire global et de non atteinte des objectifs tensionnels avec les seules règles hygiénodiététiques.
L’évaluation du risque cardiovasculaire global est un temps essentiel de la prise en charge des patients puisque l’objectif du traitement est de réduire ce risque.
Le patient est considéré à haut risque cardiovasculaire en présence d’une insuffisance rénale chronique moyenne à sévère, d’une maladie cardiovasculaire ou d’une insuffisance cardiaque connue, d’un diabète type 1 ou 2 à haut risque, d’une hypercholestérolémie familiale (I/B) ou d’un risque évalué par Score > 10 %. À côté des facteurs de risque cardiovasculaire majeurs, cette évaluation doit aussi prendre en compte des facteurs modifiant ce risque, tels qu’un antécédent de diabète gestationnel, d’HTA gravidique ou prééclampsie, une maladie auto-immune ou inflammatoire, une séropositivité VIH, des antécédents familiaux de maladie athéroscléreuse prématurée, des conditions socio-économiques précaires.
Les règles hygiénodiététiques
Les règles hygiénodiététiques gardent une place majeure chez tous les patients. En complément de la pratique d’une activité physique modérée d’au minimum 150 minutes par semaine, ces recommandations suggèrent également 75 minutes d’activité physique vigoureuse répartie sur trois jours.
75 min/semaine d’activité physique vigoureuse
La restriction de la consommation de sel est toujours d’actualité (< 5 g par jour), mais, point nouveau de ces recommandations, une substitution par des sels enrichis en potassium est proposée chez les patients ayant une alimentation riche en sodium, en l’absence d’insuffisance rénale modérée ou avancée.
Le respect d’une alimentation saine et équilibrée, telle que régime Dash ou régime méditerranéen, doit être encouragé, tout comme la réduction de la consommation d’aliments et notamment de boissons dites « sans sucre », qui doit être limitée à moins de 10 % des apports énergétiques. L’alcool doit être évité, sinon de moins de 100 g/semaine d’alcool pur et le sevrage tabagique est bien évidemment toujours recommandé.
Une bithérapie fixe d’emblée
En matière de traitement, ces nouvelles recommandations préconisent de mettre en route immédiatement un traitement antihypertenseur en cas d’HTA avérée, en association aux mesures d’hygiène de vie, avec un objectif tensionnel de 120-129/70-79 mmHg (moins strict dans certaines populations). Une bithérapie fixe d’emblée est recommandée, une monothérapie étant de mise chez sujets âgés de plus de 85 ans, chez ceux ayant une fragilité modérée à sévère, en cas d’hypotension orthostatique (systématiquement recherchée lors de l’évaluation initiale), et chez les patients avec une élévation de la pression artérielle et à haut risque cardiovasculaire.
Prendre son traitement le soir ou le matin ?
La question du meilleur moment pour prendre son traitement antihypertenseur restait débattue, les résultats des études antérieures étant contradictoires.
Deux études menées par une même équipe espagnole, en 2010 et 2019, avaient mis en évidence une diminution des évènements cardiovasculaires lors de la prise des médicaments antihypertenseurs le soir, plutôt que le matin, ce qui répondait à une certaine logique physiopathologique, l’élévation nocturne de la PA étant associée aux événements cardiovasculaires majeurs.
Une étude plus récente, publiée en 2022, était venue contredire ces résultats, en ne montrant pas de différence significative entre une prise le matin ou le soir sur le risque d’événement cardiovasculaire.
Deux études canadiennes présentées à Londres, BedMed menée dans la population générale (suivi de cinq ans) et BedMed-Frail chez des patients fragiles (suivi d’un an), ne retrouvent pas non plus de différence significative sur les critères cardiovasculaires, selon que le traitement antihypertenseur est pris le matin ou le soir.
Le meilleur moment pour le prendre est donc sans doute celui où le patient a le moins de chance de l’oublier et celui qu’il préfère. C’est d’ailleurs ce qui est préconisé dans les dernières recommandations de l’ESC.
(1) 2024 ESC Guidelines for the management of elevated blood pressure and hypertension. Eur Heart J. 2024 Aug 30:ehae179
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