Alors que les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) abordaient de façon séparée la prise en charge de la maladie artérielle périphérique (en 2014) et les atteintes aortiques (en 2017), les experts de l’ESC ont cette année rédigé des recommandations communes aux atteintes artérielles périphériques et aortiques, en soulignant qu’elles concernent un même système vasculaire, et qu’un patient souffrant de lésions au niveau des membres est plus à risque de présenter également une atteinte aortique et vice versa (1).
Un même système vasculaire avec l’aorte
Ces recommandations combinées, qui permettent aux patients de bénéficier d’une approche globale, sont en phase avec celles édictées par l’European association for cardio-thoracic surgery (EACTS) et sont endossées par deux autres sociétés savantes, l’European reference network on rare multisystemic vascular diseases (Vascern), et l’European society of vascular medicine (ESVM).
Prévalence en hausse
Comme l’ont rappelé les experts lors de la présentation de ces recommandations, les atteintes artérielles périphériques, dont la première cause est l’athérosclérose, sont très fréquentes.
Leur prévalence a augmenté de plus de 70 % au cours des trois dernières décennies, alors que la population mondiale ne s’est accrue que de 45 %. Si elle est globalement de 1,5 %, la prévalence augmente avec l’âge, atteignant de 15 à 20 % des sujets âgés de plus de 70 ans et de 20 à 30 % des plus de 80 ans. On estime aujourd’hui que quelque 113 millions de personnes de plus de 40 ans sont concernées au niveau mondial, dont plus de 40 % vivent dans des pays de revenus faibles ou moyens.
1,5 %
La prévalence augmente avec l’âge, atteignant 30 % après 80 ans
Or, ces atteintes artérielles périphériques sont encore largement sous-diagnostiquées, en grande partie en raison de leur caractère volontiers asymptomatique, en particulier chez les femmes.
Index bras-cheville
Leur dépistage est donc essentiel pour proposer une prise en charge précoce, facteur de meilleur pronostic. Il se fonde sur la mesure de l’index bras-cheville, qui est le rapport de la pression artérielle systolique (PAS) à la cheville sur celle prise au niveau du bras. Cet examen est recommandé en première intention pour le dépistage et le diagnostic, qui est porté lorsque l’index est inférieur ou égal à 0,90.
L’échographie doppler est l’examen d’imagerie de première intention, il permet de confirmer le diagnostic, d’identifier la présence éventuelle de thrombi et d’évaluer la sévérité de l’atteinte hémodynamique.
La classification est fondée sur la clinique :
- asymptomatique (stade 1) ;
- symptomatique à l’effort, avec une claudication intermittente légère (stade 2a) ou modérée à sévère (stade 2b) ;
- ischémie chronique critique, avec des douleurs ischémiques de repos (stade 3) ou des ulcérations ou de la gangrène d’origine ischémique (stade 4).
Améliorer le pronostic cardiovasculaire et la qualité de vie
Les patients ayant une atteinte artérielle périphérique sont à très haut risque cardiovasculaire. Leur prise en charge vise plusieurs objectifs : réduire le risque d’événements cardiovasculaires aigus majeurs (Mace), celui d’événements ischémiques des membres inférieurs (Male) et améliorer la qualité de vie, qui est souvent très altérée pour le patient et pour sa famille, fréquemment sollicitée pour les tâches de la vie quotidienne.
Les patients atteints sont à très haut risque cardiovasculaire
Parallèlement au traitement pharmacologique (antithrombotiques, hypolipémiant, antihypertenseur, antidiabétique), la pratique d’une activité physique supervisée et la modification du mode de vie (dont le sevrage tabagique) sont impératives pour réduire le risque de complications. Lorsqu’aucune activité supervisée n’est disponible, un programme structuré doit être si possible mis en place.
La marche est l’exercice de première intention, remplacée, en cas d’impossibilité, par des étirements, du vélo, des mouvements des bras etc. Les patients doivent s’y adonner à raison de trois fois 30 minutes par semaine, pendant au moins 12 semaines.
Évolution du traitement antithrombotique
Les recommandations en matière de traitement antithrombotique chez les patients ayant une atteinte artérielle périphérique ont évolué. Le recours à un antiplaquettaire (monothérapie par aspirine 75-160 mg/jour, ou par clopidogrel 75 mg/jour) est recommandé pour réduire le risque de Mace chez les patients symptomatiques. Une association de rivaroxaban (2,5 mg deux fois par jour) et d’aspirine (100 mg une fois par jour) doit être considérée chez les sujets symptomatiques à haut risque ischémique et non à haut risque hémorragique.
Cette même association de traitement est également à discuter après revascularisation des membres inférieurs, toujours en l’absence de haut risque de saignement.
La revascularisation n’est pas indiquée chez les sujets ayant une atteinte périphérique asymptomatique. Elle doit être discutée dans un cadre multidisciplinaire, après traitement médical et exercice physique optimisés, dans les formes symptomatiques.
Le traitement hypolipémiant connaît aussi des évolutions, avec un objectif de cholestérol LDL de moins de 55 mg/dL et une réduction d’au moins 50 % par rapport au taux initial. Les statines sont recommandées chez tous les patients, et sont associées si besoin à l’ézétimibe, puis à un inhibiteur de PCSK9 pour atteindre les objectifs lipidiques. Chez les patients intolérants aux statines et à haut risque cardiovasculaire, en cas d’échec de l’ézétimibe, il peut être fait appel à l’acide bempédoïque, seul ou en association à un inhibiteur de PCSK9.
Les experts mettent l’accent sur l’importance d’un suivi régulier des patients, au moins annuel, afin d’évaluer le statut clinique et fonctionnel, l’observance au traitement et l’évolution des facteurs de risque, qui peuvent conduire à modifier la prise en charge.
Session « 2024 ESC Guidelines for the Management of Peripheral Arterial and Aortic Diseases »
(1) 2024 ESC Guidelines for the management of peripheral arterial and aortic disease. Eur Heart J. 2024 Aug;30:ehae179
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