La dermatite atopique est une maladie complexe, multifactorielle, qui se présente sous différentes formes. Il est important de poursuivre le développement de nouvelles molécules pour enrichir l’arsenal thérapeutique, les réponses aux traitements variant d’un patient à l’autre et certains étant atteints de formes sévères.
Les principaux mécanismes en cause sont les anomalies du microbiome, le dysfonctionnement de la barrière cutanée (rendant la peau plus sensible aux agressions), l’inflammation et la stimulation anormale du système immunitaire. Les stratégies thérapeutiques développées ciblent ces différents mécanismes.
Agir sur la dysbiose
Le microbiome pourrait-il être modulé, en complétant la peau avec des commensaux ? « Des études ont montré qu’au moment des poussées, la diversité du microbiome cutané diminue, au profit d’une colonisation de la peau par le staphylocoque doré. Et le blocage de l’inflammation de type 2 dans la dermatite atopique modérée à sévère peut réduire S. aureus et restaurer la fonction barrière », explique le Pr Tilo Biedermann (Munich, Allemagne).
Trois concepts d’intervention sont ainsi possibles : la restauration et le renforcement de la barrière cutanée (utilisation d’émollients), la réduction de l’inflammation cutanée (traitement topique ou systémique) et la modulation de la composition microbienne (introduction de microbes et de nutriments équilibrants).
« Il est nécessaire de réajuster les objectifs de traitement et de se concentrer sur l’effet des “bons microbes”, et pas seulement des médicaments anti-inflammatoires topiques ou systémiques, plaide le Pr Biedermann. La stabilisation de la composition microbienne pourrait prévenir les rechutes, avec des émollients favorables au microbiote. Cependant, des essais cliniques pour évaluer ces effets sont lourds à réaliser. »
Élargir les topiques
En ce qui concerne les traitements topiques, peu sont disponibles en Europe (dermocorticoïdes, inhibiteurs topiques de la calcineurine), alors que davantage d’options existent aux États-Unis. En particulier, le ruxolitinib (inhibiteur de JAK [JAKi]), le roflumilast (inhibiteur de la PDE4), tous deux approuvés outre-Atlantique pour la dermatite atopique, et le tapinarof (agoniste des récepteurs des hydrocarbures aryliques), approuvé dans le psoriasis aux États-Unis et au Japon.
« Tous ces traitements ont démontré leur efficacité chez les enfants et les adultes atteints de dermatite atopique, dans les essais cliniques de phase 3. Un effet rémanent du tapinarof a même été observé après 115 jours dans le psoriasis, et les données sur la dermatite atopique sont en attente », indique le Dr Robert Bissonnette (Montréal, Canada).
Remonter la cascade immune
L’approche classique en aval de la cascade immunologique consiste à cibler la voie Th2. De nombreux nouveaux traitements systémiques ont été approuvés au cours de la dernière année ou sont en cours de développement clinique en phase avancée.
En particulier, le lébrikizumab (Ebglyss), un nouvel inhibiteur de l’interleukine 13, a obtenu une AMM européenne fin 2023, avec des données prometteuses d’efficacité (études Advocate 1, Advocate 2 et Adhere).
Autre cytokine Th2 présente en excès dans la dermatite atopique, l’IL-31, responsable, entre autres médiateurs, du prurit, est ciblée par le némolizumab (Nemluvio). Les essais de phase 3 (Arcadia 1 et 2) ont été positifs, en réduisant significativement les lésions cutanées et les démangeaisons. Des études ont également été positives dans le prurigo nodulaire (avec une autorisation aux États-Unis).
D’autres molécules se situent en amont de la voie Th2 avec, pour le moment, des données encourageantes, notamment pour le rocatinlimab et le télazorlimab, ainsi que l’amlitelimab. Les deux premiers se lient à OX40, un régulateur clé du système immunitaire, porté par le lymphocyte T et fortement exprimé chez les patients souffrant de dermatite atopique. L’amlitelimab se lie au ligand OX40L, présent sur la cellule présentatrice d’antigènes.
« Cette approche en amont permet de remédier à l’inflammation de type 2 et non-2. De plus, elle maintient davantage la rémission », explique le Pr Thomas Bieber (Zurich, Suisse).
Des molécules anti-lymphopoïétine thymique stromale (TSLP) sont également à l’étude. Après l’échec du tézépélumab, le bosakitug a donné de bons résultats et sa longue demi-vie fait espérer une administration à intervalles prolongés.
Enfin, l’amplification de la réponse régulatrice T représente un nouvel espoir. « La rezpegaldesleukine, qui cible l’IL-2R, a le potentiel de rétablir l’équilibre immunitaire, ce qui permettrait peut-être un jour d’arrêter le traitement », indique le Pr Bieber.
Sessions « Atopic dermatitis : microbiome modulation, new topical and systemic treatments » et « New and emerging drugs : atopic dermatitis »
JAKi : des données rassurantes
De nombreux traitements systémiques ont été approuvés cette année, et davantage encore sont en phase avancée de développement.
Les inhibiteurs de JAK (JAKi) sont devenus des options thérapeutiques essentielles dans le traitement de la dermatite atopique (DA) modérée à sévère. Malgré leur efficacité prouvée, les dermatologues éprouvent parfois une appréhension à prescrire ces médicaments, en raison du risque d’événements cardiovasculaires.
Une étude de cohorte rétrospective a été menée à partir de la base de recherche TriNetX, un réseau mondial donnant accès aux dossiers médicaux électroniques de plus de 275 millions de patients dans le monde, provenant de plus de 120 organismes de santé (1). L’objectif était d’analyser la survenue d’événements cardiovasculaires chez les patients atteints de DA traités par upadacitinib ou abrocitinib, en comparaison avec ceux sans traitement par JAKi.
La cohorte exposée comptait 1 802 patients, pour une cohorte témoin de 1 281 768 patients. Elles ont été appariées sur l’âge, le sexe et les comorbidités cardiovasculaires, afin d’obtenir 1 802 patients dans chaque cohorte. Les résultats ne montrent pas de risque accru d’événements cardiovasculaires indésirables, même dans le sous-groupe de patients âgés de plus de 50 ans (875 patients).
Une autre étude s’est intéressée au risque d’infection cutanée et d’infection sévère chez des patients atteints de DA traités par biothérapies ou JAKi entre 2017 et 2024, inclus dans le registre hollandais BioDay (2). Soit 1 793 patients, dont 1 599 traités par dupilumab, 212 par tralokinumab, 134 par abrocitinib, 97 par baricitinib et 237 par upadacitinib. Le risque d’infection a été trois à quatre fois supérieur pour les JAKi. Les infections cutanées (herpès, zona) représentaient 54,8 % des infections. La plupart étaient légères (30,5 %) ou modérées (61,4 %) et conduisaient à un arrêt de traitement pour 1,4 % des patients sous biothérapies et 8,1 % de ceux traités par JAKi.
(1) El Ayadi A. et al. EADV 24, Abs. 8086
(2) Bruin-Weller M. Session EFTAD
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