Les options thérapeutiques pour prendre en charge le diabète de type 2 (DT2) se sont multipliées, rendant plus difficiles, pour les cliniciens, les choix des stratégies les plus bénéfiques pour chaque patient. Face à la difficulté de délivrer le bon traitement à la bonne personne, la diabétologie a besoin de nouvelles approches. La médecine de précision peut-elle représenter une réponse ? Un symposium conjoint Easd/ADA a permis de faire le point.
Dans le diabète, la médecine de précision fait référence à une approche visant à optimiser le diagnostic, l’évolution, la prévention ou le traitement en intégrant des données multidimensionnelles, tenant compte des différences individuelles. M. S. Udler (États-Unis) a expliqué comment la gestion du diabète a fait de grands progrès vers la médecine de précision au cours des dernières années, passant d’un traitement unique à une approche par algorithmes, tenant compte des comorbidités et des biomarqueurs. « Le débat n’est pas de savoir si la médecine de précision est l’avenir de la médecine du diabète, mais plutôt comment nous pouvons continuer à améliorer la gestion de la maladie, avec une prise en charge plus individualisée, a souligné M. S. Udler. Actuellement, la façon dont nous dépistons les sous-types de diabète et nous les gérons est sous-optimale. » Démêler les voies physiopathologiques à l’origine du diabète et les relier à chacun des patients sera probablement nécessaire pour une réelle médecine de précision.
Après la metformine, de nombreux patients ont besoin de médicaments de 2e et 3e lignes. À l’heure actuelle, pour les choisir, les cliniciens s’appuient sur les différents consensus existants. Le Dr John Dennis (Royaume-Uni) a présenté un travail utilisant des mégadonnées pour montrer que des biomarqueurs (HbA1c, DFG) pourraient optimiser ce choix thérapeutique. « Cette recherche fournit la preuve que les approches de médecine de précision dans le diabète peuvent être fondées sur des caractéristiques simples du patient, disponibles à tout médecin, plutôt que sur la génétique ou d’autres technologies coûteuses », a-t-il conclu.
Mais, pour S. J. Griffin (Royaume-Uni), chargé d’apporter la contradiction, si la médecine de précision est un domaine intéressant de recherche, cette approche n’est pas mûre pour une utilisation large et en première ligne : « Elle est faussement précise, trop complexe, trop centrée sur l’individu et non sur son contexte ». Il faut plutôt améliorer et mieux appliquer la médecine personnalisée, les traitements et les mesures connues pour être utiles (et rentables) pour un large éventail de patients.
La preuve par TriMaster
Alors, qu’en est-il ? Le premier essai testant la médecine de précision dans le diabète comme critère d’évaluation principal, l’essai TriMaster, peut apporter une première réponse. « Il s’agit d’un essai croisé à trois voies en aveugle, de traitements hypoglycémiants dans le DT2, permettant de comparer la réponse au traitement à court terme et les effets secondaires de trois médicaments chez les mêmes individus », a expliqué A. Hattersley (Royaume-Uni) responsable de l’étude.
L’essai a porté sur 520 personnes atteintes de DT2, avec des taux d’hémoglobine glyquée de 7,5 à 12,2 % sous traitement par la metformine, seule ou en association avec une sulfonylurée. Les participants ont été répartis au hasard pour recevoir, chacun 16 semaines, une thiazolidinedione (pioglitazone), un inhibiteur de la DPP4 (sitagliptine), ou un inhibiteur du SGLT2 (canagliflozine), dans un ordre aléatoire. Les résultats ont été mesurés après chaque période de traitement.
Dans la population globale de l’étude, les taux d’HbA1c étaient comparables après traitement avec chacun des trois agents, à environ 7,5 %. Cependant, les patients dont l’IMC était inférieur à 30 kg/m2 avaient des taux moyens d’HbA1c inférieurs après sitagliptine qu’après pioglitazone. L’inverse était vrai pour ceux ayant un IMC de 30 ou plus, qui avaient des taux d’HbA1c inférieurs avec la pioglitazone. Des différences sont également observées dans le contrôle glycémique lorsque les participants étaient stratifiés par fonction rénale. Dans le groupe avec un taux de filtration glomérulaire estimé (DFGe) de 60 à 90 ml/min/1,73 m2, le traitement par la sitagliptine a entraîné des taux moyens d’HbA1c inférieurs à ceux de la canagliflozine, tandis que cette molécule se révélait plus efficace chez les patients avec un eGFR plus élevé.
Il y avait peu de différences concernant la tolérance et le nombre d’hypoglycémies selon les strates d’IMC ou d’eGFR. Quant à la préférence des patients, elle s’est répartie de manière égale, entre 25 et 38 % pour chaque type de médicament, les inhibiteurs de SGLT2 étant en tête. Le poids n’a pas d’influence claire sur les préférences.
Les résultats de TriMaster montrent que « nous pouvons améliorer l’approche actuelle du traitement de la glycémie par la médecine de précision, a déclaré A. T. Hattersley. Des caractéristiques telles que l’IMC et l’eGFR peuvent aider à guider la prescription ».
Exergue en 2 parties :
Pour : « Une approche efficace, fondée sur des données simples, comme l’IMC ou l’eGFR ».
Contre : « Il faut plutôt améliorer et mieux appliquer la médecine personnalisée, les traitements et les mesures connues pour être utiles (et rentables) pour un large éventail de patients »
Easd 2021, session S15, symposium EASD/ADA : « Optimising diabetes diagnosis, prevention and care : Is precision medicine the answer ? » ; session S35, symposium « Results from TriMASTER : a 3-way cross-over trial of precision medicine strategy of 2nd/3rd line therapy in type 2 diabetes ».
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