Une perte de poids même modérée réduit la glycémie et la pression artérielle (PA) ; si elle est plus importante, on peut obtenir une rémission du diabète de type 2, une réduction de la mortalité cardiovasculaire, tout en traitant l’insuffisance cardiaque (IC) et les apnées du sommeil. « Au contraire du traitement du cholestérol ou de la pression artérielle (PA), le traitement de l’obésité est le super-héros du traitement des maladies métaboliques, car il peut vaincre tous les “bad guys” en même temps », résume le Dr Louis J. Aronne, spécialiste de la médecine de l’obésité (Weill Cornell Medical College, New York). Il préconise un changement majeur dans la gestion des maladies métaboliques : « traitons l’obésité au moyen de médicaments avant de soigner toutes les comorbidités, et nous n’aurons pas besoin de traiter autant ces dernières. »
Traitons l’obésité avant de soigner toutes les comorbidités
Dr Louis J. Aronne
Dans l’essai Select par exemple (17 600 patients ; IMC ≥ 27 kg/m2, MCV hors diabète), traiter l’obésité au moyen d’un arGLP1 (en l’occurrence le sémaglutide 2,4 mg hebdomadaire SC) réduisait de 20 % le risque relatif d’événements cardiovasculaires majeurs versus placebo, et d’environ 75 % celui de prédiabète, avec des effets sur l’insuffisance rénale. « Et cela avec une perte pondérale de seulement 8,5 %, car ça n’était pas l’objet de l’essai », souligne-t-il.
La nouvelle hypertension
Le Dr Aronne file la comparaison : à la fin des années 1970, « nous traitions très tardivement les patients pour leur PA, puis les données ont mis en évidence l’intérêt d’agir de plus en plus précocement. À l’avenir, il pourrait s’avérer nécessaire de traiter l’obésité avant qu’elle ne devienne ingérable, estime-t-il, ou même dès 27 kg/m2 pour maintenir le poids dans la norme. »
La maladie « obésité » dispose déjà de sept médicaments, dont deux associations, et le vivier est impressionnant, avec le sémaglutide oral, le tirzépatide (co-agoniste GLP1-GIP), l’orforglipron (arGLP1 oral), le cagrilintide (analogue de l’amyline), le survodutide, l’éfinopégdutide, le mazdutide, le pemvidutide… ou encore le rétatrutide, triple agoniste GIP/GLP1/glucagon (phase 2). « Une fois que tous ces traitements, capables d’induire une perte de poids de 15 à 25 % et plus, seront disponibles, nous n’accepterons plus l’inefficacité, ni les effets secondaires », prédit le Dr Aronne.
La ruée sur les amaigrissants
Le Dr Aronne souligne un autre facteur décisif : le désir des patients de perdre du poids. L’année dernière, les différentes présentations du sémaglutide, Ozempic, Rybelsus et Wegovy, ont généré 21,1 milliards de dollars. Selon la banque de Montréal, en 2035, 19 millions d’Américains seront traités pour l’obésité, contre trois millions aujourd’hui. Alors que le nombre de chirurgies bariatriques aux États-Unis a augmenté d’à peine 6 % entre 2021 et 2022, avec 250 000 interventions chaque année (500 000 dans le monde). « Le traitement médical va dominer », affirme le Dr Aronne, pour qui le recours à la chirurgie pourrait être indiqué après un échec des thérapies médicales.
Le métabolique supplante le bariatrique
Un avis nuancé par le Pr Francesco Rubino, chirurgien titulaire de la chaire de chirurgie bariatrique et métabolique du King’s College à Londres, pour qui « les médicaments anti-obésité ne rendront pas la chirurgie obsolète… mais ils accéléreront le changement de paradigme en cours, du bariatrique vers le métabolique. »
« La chirurgie bariatrique a été trop longtemps perçue comme une intervention prophylactique, regrette-t-il, alors qu’en réalité, elle traite une maladie, et pas seulement un risque. » Elle n’agit pas uniquement sur le poids, mais sur des maladies déjà établies ; elle réduit d’environ 50 % la mortalité toutes causes chez les adultes avec ou sans diabète.
« Près de 40 % des diabétiques traités par chirurgie voient leur diabète disparaître, à 10 ans de suivi, rappelle-t-il. Si les médicaments de l’obésité sont prometteurs et réduisent le poids comme le risque cardiovasculaire, ils n’égalent pas la chirurgie, en termes de puissance thérapeutique, de durée des effets ou de gestion des maladies chroniques associées : - 83 % pour le DT2, mais aussi - 90 % pour la maladie hépatique, - 80 % pour le syndrome métabolique, - 75 % au minimum pour les apnées du sommeil, - 80 % pour les cardiopathies, de - 50 à -90 % pour l’HTA, de -70 à -98 % pour le RGO, de - 40 à -75 % pour l’arthrose, etc. » La chirurgie bariatrique a enregistré des données (SOS Study), où certes une reprise pondérale partielle semble inéluctable, mais où la perte de poids se maintient à long terme, avec -20 à 35 % sur 10 à 20 ans, voire au-delà dans certains essais.
La puissance et la durabilité des effets ne sont pas comparables
Pr Francesco Rubino
« La chirurgie métabolique est ainsi en mesure de traiter rapidement les patients présentant des risques élevés et des besoins urgents. Dans le futur, les candidats seront plus âgés, plus malades et les cas plus complexes. L’efficacité, le rapport coût-bénéfice et le bénéfice pour les patients seront encore meilleurs que ceux de la chirurgie bariatrique traditionnelle. Au contraire, les médicaments de l’obésité ne sont pas curatifs, ils nécessitent une prise à vie, s’apparentant plus à un traitement symptomatique », assène le chirurgien.
Mais les effets additionnés des différentes molécules en développement pourraient-ils faire surpasser ceux de la chirurgie ? Certains l’estiment ; en tout état de cause, à ce stade, les études comparatives directes n’existent pas.
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