Diabète gestationnel

Peu de consensus

Publié le 14/10/2011
Article réservé aux abonnés
1318554807288734_IMG_69018_HR.jpg

1318554807288734_IMG_69018_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

LE DIABÈTE GESTATIONNEL affecte environ 6 % des femmes enceintes en France. Un chiffre du même ordre de grandeur, entre 6 et 10 %, est retrouvé dans tous les pays européens, bien qu’il puisse être beaucoup plus élevé dans des populations spécifiques. La fréquence, en augmentation, de cette pathologie chez la femme enceinte est d’autant plus grande que la prévalence de l’obésité et du diabète de type 2 est plus élevée dans la population.

Les conséquences de la découverte d’un diabète gestationnel sont l’objet de nombreuses discussions. C’est, pour l’OMS un « trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum ». Cette définition est mise en cause par de nombreux experts, car elle regroupe deux populations de femmes très différentes : celles qui, avant la grossesse, présentaient un trouble méconnu de la tolérance au glucose et celles dont le trouble de la tolérance est apparu au cours de la grossesse, en lien avec une insulinorésistance paraphysiologique. Mais certains experts contestent même cette dernière entité clinicobiologique.

Les principaux facteurs de risque reconnus dans de nombreux pays sont la surcharge pondérale, l’âge, l’origine ethnique, les antécédents familiaux au premier degré de diabète type 2, les antécédents obstétricaux de diabète gestationnel ou de macrosomie, le syndrome d’ovaires polykystiques (grade B).

Quelle que soit la définition, il apparaît que le diabète gestationnel entraîne une augmentation des risques fœto-maternels. Tant pour la mère que pour l’enfant à naître des risques sont bien identifiés. Pour la mère, le diabète gestationnel entraîne un risque de pré-éclamspie : un risque qui apparaît, pour certains, surtout lié à une plus grande fréquence d’hypertension artérielle, soit chez des mères initialement obèses soit chez celles ayant pris trop de poids durant la grossesse. Autre conséquence, le risque relatif de voir apparaître un diabète de type 2 soit quelques mois après l’accouchement (3,7 % neuf mois après l’accouchement, d’après une étude canadienne) soit plus tardivement (à 10 ans de 20 à 60 %).

Pour le fœtus, une prise de poids excessive peut entraîner de graves mais rares complications au moment de l’accouchement, dont la dystocie des épaules, avec un sur-risque de lésions du plexus brachial, de fractures de la clavicule. Une césarienne pallie à ce problème mais c’est un acte accompagné d’une morbimortalité accrue. La fréquence d’une hypoglycémie néonatale sévère en cas de diabète gestationnel est faible, mais ce risque apparaît difficile à apprécier en raison de l’hétérogénéité de la définition de l’hypoglycémie dans les différentes études européennes ou américaines. Quant au devenir des enfants nés d’une mère ayant eu un diabète gestationnel, une étude (Growing up TODAY Study) portant sur 15 000 enfants nés d’une mère avec cette pathologie et ayant un poids de naissance supérieur à 4 kg, montre qu’ils présentent un risque accru d’obésité à l’adolescence.

Dépistage systématique au 6e mois versus femmes à risque.

Face à ce tableau, les discussions des experts internationaux sont nombreuses. Quelles stratégies adopter ? Faut-il pratiquer un dépistage systématique ou ciblé ? Avec quels outils ? Quelles valeurs seuils glycémiques adoptées pour permettre une réduction significative des complications périnatales ? Enfin quels traitements mettre en œuvre en cas de découverte d’un diabète gestationnel ? Il n’existe pas de consensus international sur les stratégies de dépistage, les outils diagnostiques à mettre en œuvre, les seuils à utiliser pour définir un diabète gestationnel. Néanmoins, l’étude HAPO (2008) a fourni des données pour fixer des niveaux seuil d’hyperglycémie à l’état basal et après un test de charge glucosée. Elle a été une base pour l’élaboration de recommandations internationales par l’IADPSG (International Association of Diabetes and Pregnancy Study Group), qui prônent un dépistage systématique au 6e mois de grossesse par une stratégie en un temps (sans recourir à une sélection par le test de O’Sullivan). Le test est effectué d’emblée par un test d’hyperglycémie par voie orale (HGPO) à 75 g de glucose sur 2 heures. Plusieurs valeurs seuils sont fournies (glycémie à jeun› 0,92 g/l, glycémie à heure› 1,80 g/l, glycémie à 2 heures à 1,53 g/l) mais une seule valeur anormale suffit pour poser le diagnostic de diabète gestationnel.

De nombreux pays européens optent cependant pour la réalisation d’un dépistage ciblé destiné à des femmes à haut risque (âge maternel› 35 ans, IMC› 25 kg/m2, antécédents de diabète apparentés au 1er degré, antécédents personnels de diabète gestationnel ou d’enfants macrosome), tel le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français depuis décembre 2010, soulignant qu’il n’existe pas d’arguments suffisants pour recommander un dépistage systématique. Ce dépistage est alors réalisé alors par une glycémie à jeun, à la première consultation prénatale si la patiente a au moins un des facteurs de risque cités. Si, à ce stade, la glycémie à jeun est supérieure à 0, 92 g/l mais inférieure à 1,26 g/l, une HGPO doit être réalisée. Chez les patientes non diagnostiquées préalablement mais à risque, le dépistage du diabète gestationnel par une hyperglycémie provoquée par voie orale est recommandé entre la 24e et la 28e semaine d’aménorrhée, date où la tolérance au glucose se détériore lors de la grossesse.

Une place pour la metformine.

La découverte d’un diabète gestationnel impose une prise en charge spécifique comprenant plusieurs volets : une éducation nutritionnelle couplée avec une activité physique régulière (30 minutes, 3 à 5 fois par semaine), la mise en place d’une auto surveillance glycémique, un monitoring fœto-maternel régulier, voire une insulinothérapie si la glycémie n’est pas normalisée par les mesures hygiénodiététiques. Les antidiabétiques oraux n’ont pas d’AMM en France pendant la grossesse. Toutefois, plusieurs études portant sur l’utilisation de la metformine pendant la grossesse montrent une efficacité supérieure à celle de mesures diététiques (J. Balani, St Hélier University, Surrey, Royaume-Uni).

Après l’accouchement, une surveillance s’impose pour la mère et l’enfant. Pour les femmes, des programmes hygiénodiététiques doivent être mis en œuvre, notamment chez celles en surpoids. L’éducation thérapeutique doit également porter sur la programmation de grossesses ultérieures. Pour l’enfant né de mères ayant eu un diabète gestationnel, les risques sont modérés. Toutefois, le risque de complications métaboliques à long terme, de prise de poids, est à surveiller.

D’après une conférence de presse organisée dans par le congrès.

 DR MARTINE DURON-ALIROL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9025