« L’infertilité est de plus en plus fréquente en France », constate la Pr Blandine Courbiere (Marseille), coordinatrice du groupe de travail qui a œuvré pour la mise à jour des recommandations 2022 du CNGOF sur la prise en charge initiale du couple infertile. « Ainsi, le dernier rapport sur les causes d’infertilité, coordonné par le Pr Samir Hamamah et Mme Salomé Berlioux, rendu public en février 2022, indique qu’un couple français sur quatre consulte pour des difficultés à concevoir ». Un des messages principaux du texte du CNGOF, qui devrait être prochainement publié, est « qu’il ne faut pas perdre du temps dans la prise en charge de l’infertilité », explique la Pr Courbiere. « Il faut viser à diminuer l’errance médicale, que vivent encore certains couples, mais aussi éviter la multiplication des examens plutôt qu’adresser à un médecin de la reproduction. Une notion ancienne, qui circule parfois encore, est qu’il faut attendre deux ans avant de débuter un bilan d’infertilité. En fait, les explorations devront être entreprises après douze mois d’infertilité quand la femme a moins de 35 ans, et après six mois lorsqu’elle a 35 ans ou plus. En cas d’anomalie, les couples doivent être adressés à des médecins spécialistes de la reproduction. Il est important de rappeler aux femmes, sans trop les stresser, que l’âge est déterminant pour la fertilité, les taux de grossesses vivantes diminuant rapidement après 36 ans et les techniques de fécondation in vitro (FIV) ne permettent pas toujours de compenser la diminution de la fertilité liée à l’âge », souligne la spécialiste.
Plus de test post-coïtal
En raison de sa faible valeur prédictive des chances de grossesse, le test post-coïtal, n’est plus recommandé pour le bilan initial d’une infertilité. « Cet examen n’a pas montré son intérêt pour la prise en charge de l’infertilité. Il était par ailleurs anxiogène, beaucoup de femmes croyant à tort que, lorsqu’il était négatif, elles ne pourraient jamais avoir d’enfant spontanément », ajoute la Pr Courbiere. Le dosage sérique de l’hormone antimüllérienne (AMH), « qui tend à se multiplier depuis son remboursement, ne doit pas être prescrit en dehors du champ de l’infertilité. La fertilité spontanée d’une femme est en effet la même, à âge équivalent, que l’AMH soit basse, normale ou élevée. L’AMH n’est pas un marqueur de fertilité », souligne-t-elle. Le dosage de l’AMH sera, en revanche demandé (avec celui de la FSH, LH et estradiol début de cycle) chez la femme infertile en vue d’une prise en charge en assistance médicale à la procréation (AMP), et en particulier en cas de FIV, car il permet de prédire la réponse à la stimulation ovarienne et le nombre d’ovocytes obtenus.
Rechercher et traiter les vaginoses
La revue de la littérature a montré que la valeur prédictive négative (86 %) et positive (52 %) de la sérologie Chlamydia trachomatis étaient insuffisantes pour savoir si un antécédent d’infection a pu, ou non, altérer les trompes. Ainsi, il est recommandé de tenir compte du fait qu’une sérologie C. trachomatis négative n’est pas suffisante, à elle seule, pour affirmer qu’il n’existe pas de lésions post-infectieuses des trompes.
« Parmi les nouveautés de ces RPC, il est préconisé de prescrire un prélèvement vaginal pour examen microbiologique avec test de Nugent, en vue de traiter les vaginoses bactériennes, lesquelles semblent augmenter le risque de fausses couches et diminuer le taux de grossesses, peut-être en raison de l’état d’inflammation chronique qu’elles induisent au niveau génital, complète la Pr Courbiere. Il faut cependant rester prudent sur l’interprétation de ces études. Le problème est que, s’il a été montré une augmentation des fausses couches chez les femmes en FIV ayant une dysbiose vaginale, il n’a jamais été prouvé que le traitement d’une dysbiose améliorait les taux de grossesse en FIV. Le type de traitement à administrer dans ce cas, et qui ne repose pas que sur les antibiotiques (antiseptiques vaginaux, correcteurs de flore), reste mal évalué. Le traitement devra, en tout cas, prendre en compte les facteurs associés contribuant à la persistance des dysbioses, comme le tabagisme. »
L’échographie pelvienne 3D en première intention
Les recommandations du CNGOF soulignent la très forte sensibilité et spécificité de l’échographie pelvienne 3D pour dépister les malformations utérines et les pathologies intracavitaires (ex : fibromes, polypes), sources potentielles d’infertilité… « En cas d’échographie 3D normale, il n’y a pas d’indication à demander une hystéroscopie diagnostique, une hystérosonographie, ou une IRM pelvienne pour examiner la cavité utérine », insiste la Pr Courbiere.
L’examen de la perméabilité tubaire repose toujours sur l’hystérosalpingographie en première intention. En alternative, on pourra proposer l’HyFoSy (hystérosalpingo-foam-sonography), qui consiste en l’injection rétrograde d’une mousse hyperéchogène au cours de l’échographie pelvienne. Cet examen serait moins douloureux que l’hystérographie. Cependant, l’HyFoSy n’est pas disponible partout et le produit de contraste n’est pas encore remboursé.
Les indications de la cœlioscopie à visée diagnostique avec épreuve de perméabilité tubaire se sont réduites par rapport à 2010. Elle sera discutée en deuxième intention, en cas de pathologie tubaire suspectée à l’hystérosalpingographie ou à l’HyFoSy.
Spermogramme et spermoculture systématiques
Chez l’homme, un spermogramme (à pratiquer dans un laboratoire expérimenté) continue d’être systématiquement recommandé. Sa prescription doit être associée à une spermoculture, qui devient, en 2022, un examen de première intention. Fait important, un spermogramme initialement normal n’a pas besoin d’être contrôlé. En cas d’infection du sperme ou des glandes annexes masculines (de 15 à 20 % des causes d’infertilité masculine), on conseillera aux hommes d’adopter une cure hydrique, d’avoir des éjaculations répétées avant de proposer un contrôle de la spermoculture et un traitement antibiotique si l’infection persiste. En cas d’anomalies du spermogramme, un examen clinique, complété d’une échographie scrotale, sera pratiqué pour évaluer le volume testiculaire et rechercher notamment une varicocèle, une tumeur du testicule, dont la prévalence est plus élevée chez les hommes infertiles.
Éviter les toxiques dès la période préconceptionnelle
Les RPC abordent aussi la prise en charge initiale des femmes dys- ou anovulantes, par les inducteurs de l’ovulation. Leur prescription sera réservée aux spécialistes de la reproduction, après un bilan complet du couple infertile.
La prise de toxiques doit être limitée dès la période préconceptionnelle. Il est conseillé aux couples de consommer moins de cinq verres d’alcool par semaine, d’arrêter le tabac. « Le tabagisme féminin diminue, dès la première cigarette, les taux de succès en FIV, et le tabagisme masculin augmente la probabilité de fausses couches, rappelle la Pr Courbiere. Le cannabis, dont la consommation augmente, altère la qualité du sperme et, chez la femme, il accroît le risque de fausses couches et de prématurité. » On recommandera aussi aux couples de respecter les recommandations du plan national nutrition santé (PNNS) et d’avoir une activité physique modérée régulière pour augmenter les chances de grossesse. Une obésité doit être prise en charge en préconceptionnel, pour améliorer les chances de grossesses spontanées chez les femmes obèses dysovulantes. La perte pondérale a également un effet positif sur le pronostic obstétrical et néonatal. En revanche, il n’est pas prouvé que la perte pondérale (y compris après chirurgie bariatrique) améliore les chances de grossesse en FIV. Les RPC n’ont pas pu déterminer un seuil d’indice de masse corporelle (IMC) qui contre-indiquerait une prise en charge en FIV.
Exergue : « L’AMH n’est pas un marqueur de fertilité spontanée, il ne faut pas le prescrire dans ce but »
Entretien avec la Pr Blandine Courbiere (Marseille)
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