De 50 à 90 % des femmes enceintes présentent des nausées et vomissements. Le plus souvent, les symptômes sont peu importants et disparaissent à la fin du premier trimestre. Mais, dans un tiers des grossesses, on peut observer des formes plus sévères perturbant la vie quotidienne et, dans 0,3 à 3,6 % des cas, des vomissements incoercibles, première cause d’hospitalisation au cours du 1er trimestre de la grossesse. Mal évalué, le risque de récidive d’une grossesse à l’autre pourrait aller jusqu'à 80 %, et il existe des formes familiales d’hyperémèse qui pourraient être expliquées par des modifications génétiques des récepteurs, en particulier de ceux à la TSH. Les mécanismes de survenue de ces vomissements, plus fréquents dans les grossesses multiples, impliquent des variations hormonales (hormones stéroïdes et thyroïdiennes, HCG, leptine et ghréline…) et l’intervention de protéines d’origine placentaire (GDF15, IGFP7), mais aucun argument ne favorise le rôle de facteurs psychiques.
Poids, déshydratation et score Puqe
Le CNGOF préconise, dans ses recommandations, d’évaluer la sévérité des symptômes en prenant en compte la perte de poids, la présence de signes de déshydratation et le score Puqe modifié (pregnancy unique quantification emesis and nausea). Les nausées et vomissements gravidiques sont considérés comme non compliqués pour une perte pondérale inférieure à 5 %, l’absence de déshydratation, et un score Puqe ≤ 6. Dans ce cas, il n’est pas utile de réaliser un bilan biologique ou d’imagerie, sauf une échographie, qui pourra repérer une grossesse molaire ou gémellaire.
En revanche, l’hyperémèse gravidique, qui est définie par des nausées et vomissements avec perte pondérale ≥ 5 %, des signes de déshydratation ou un score Puqe ≥ 7, exige un bilan biologique complet, une échographie abdominale, à la recherche d’une cause organique. Mais le bilan reviendra le plus souvent négatif.
Les hyperémèses doivent être traitées car elles sont source d’amaigrissement et parfois de détresse psychologique. Les femmes, qui vont parfois jusqu’à envisager une IVG, doivent être soutenues psychologiquement. Les formes les plus sévères (perte pondérale ≥ 10 %, score de Puqe ≥ 13, déshydratation, hypokaliémie < 3 mmol/L, hyponatrémie < 120 mmol/L, créatininémie > 100 µmol/L, résistance au traitement) seront hospitalisées.
Pas de restriction alimentaire mais éviter le fer
Les femmes pourront adopter l’alimentation de leur choix, aucun régime n’ayant démontré une efficacité sur les nausées et vomissements. Mais il est conseillé d’arrêter les supplémentations en fer, qui semblent aggraver les symptômes. Faute d’arguments formels en démontrant l’efficacité sur les symptômes, la consommation de gingembre, de vitamine B6, l’acupuncture et l’électrostimulation seront réservées aux femmes avec une forme non compliquée. L’aromathérapie doit être évitée, en raison de ses risques potentiels.
Privilégier les anti-émétiques les mieux tolérés
« Les données sur l’efficacité et la sécurité des anti-émétiques sont curieusement peu nombreuses pour une pathologie aussi courante et sont, en outre, de faible qualité méthodologique, a déploré le Dr Raoul Desbrière (Aix-en-Provence). Les études randomisées ayant comparé les traitements anti-émétiques ne permettent pas de conclure quant à la supériorité d’une molécule sur une autre. » Compte tenu de ce fait, on choisira en première intention les anti-émétiques avec le moins d’effets secondaires. On pourra ainsi commencer le traitement, dans les nausées et vomissements gravidiques non compliqués ou l’hyperémèse gravidique sans signe de gravité, par la doxylamine ou l’association doxylamine-pyridoxine ou le dimenhydrinate, avant de passer en 2e intention au métoclopramide puis, en 3e intention à la chlorpromazine, à la prométhazine ou à la métopimazine.
Les formes graves avec hospitalisation seront traitées en premier lieu par du métoclopramide IV, s’il n’a pas été testé précédemment, puis par l’ondansétron IV, mais seulement après 12 semaines de terme et après avoir prévenu les femmes qu’il expose à un risque, faible, de fente labiopalatine au vu des données d’un registre américain (3 cas supplémentaires pour 10 000 naissances vivantes exposées). On peut aussi recourir à la chlorpromazine IV ou à la prométhazine IV ou, en tout dernier recours, aux corticoïdes IV. L’administration de vitamine B1 doit être systématique en cas d’hyperémèse gravidique justifiant une réhydratation parentérale, afin de prévenir la survenue d’une encéphalopathie de Gayet Wernicke.
Exergue : « Les données sur les anti-émétiques sont curieusement peu nombreuses pour une pathologie aussi courante »
Communications du Pr Philippe Deruelle (Lille), de la Dr Louise Ghesquière (Lille), du Dr Raoul Desbrière (Aix-en-Provence), du Pr Thomas Schmitz (Paris), du Dr Guillaume Ducarme (La Roche-sur-Yon)
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