Beaucoup d’efforts doivent encore être faits pour prévenir la mortalité maternelle et néonatale. Si des progrès ont été obtenus entre 2000 et 2020 en matière de mortalité maternelle dans certaines régions du monde, comme l’Europe de l’Est (11 contre 38 décès pour 100 000 naissances vivantes) ou encore l’Asie du Sud (134 contre 408 décès pour 100 000 naissances vivantes), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) continuait de déplorer 300 000 décès maternels en 2020, dont 70 % en Afrique subsaharienne. « Leurs causes majeures sont les hémorragies du post-partum avant tout, puis les infections, la septicémie, l’hypertension gravidique et la prééclampsie, et les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité », explique le Pr Bo Jacobsson (université de Göteborg, Suède).
Un des premiers moyens d’action pour préserver la santé maternelle est de prévenir, grâce à un accès facilité à la contraception et à l’avortement médicalisé, les grossesses non désirées. Malheureusement, près d’une grossesse sur deux dans le monde reste non planifiée. Les femmes devront aussi, bien sûr, pouvoir accéder à des soins de qualité et être assistées pour l’accouchement par des professionnels de santé qualifiés.
Des avancées dans le post-partum
Pour éviter les hémorragies du post-partum, première cause de mort maternelle dans le monde, la Figo préconise une approche systématique. L’étude randomisée eMotive (1), entreprise sur 210 132 femmes enceintes dans 80 hôpitaux africains, a démontré qu’il est bénéfique de détecter précocement la perte sanguine et de proposer rapidement un traitement groupé, associant massage utérin, médicaments oxytoniques, acide tranexamique et remplissage intraveineux. Durant l’étude, qui a duré sept mois après une phase de préparation de deux mois, le pourcentage d’hémorragies sévères du post-partum (+ de 1 000 ml), de laparotomies et de décès pour hémorragie a été de 1,6 % dans le groupe intervention, contre 4,3 % dans le groupe recevant les soins usuels (p < 0,001), avec 93 % d’hémorragies détectées dans le premier groupe, contre seulement 51 % dans le second. La présidente de la Figo, la Dr Jeanne Conry, se félicite des avancées obtenues grâce à cette approche, et recommande « de détecter et prendre en charge l’anémie des femmes enceintes. Fréquente en Inde, au Bangladesh et en Afrique, l’anémie risque en effet d’aggraver les conséquences d’une hémorragie du post-partum ».
La Figo propose aussi des stratégies pour prévenir le risque d’infections, celui de transformation d’une prééclampsie en éclampsie, grâce à l’administration de médicaments comme le sulfate de magnésium ; elle désire optimiser la pratique de la césarienne. Certes, dans certaines régions, les femmes enceintes n’y ont pas accès lorsqu’elle est nécessaire. Mais dans d’autres, le taux de césariennes avoisine les 80 %. Ce qui peut accroître les risques pour les femmes, y compris au long cours.
Lutte contre la prématurité
La prématurité est une cause majeure de mort néonatale. « Bien qu’on puisse souvent la prévenir, elle ne s’est pas réduite depuis une décennie », regrette le Pr Jacobsson. Le dernier rapport décennal Born too soon de l’OMS (2), lancé en mai 2023, rappelle l’importance d’aider à la planification des naissances, à l’accès aux soins, de limiter au strict nécessaire le taux des accouchements provoqués, de développer l’administration des corticoïdes en anténatal, mais aussi d’améliorer la nutrition, l’éducation des filles, d’atténuer les effets du changement climatique. Ce qui nécessite de mobiliser les responsables politiques et sociétaux. « Comme l’ont fait avant eux les pédiatres, avec la diffusion de la vaccination dans les années 1960-1970, les gynécologues-obstétriciens devront s’investir davantage dans cette action de santé globale », insiste le Pr Jacobsson. Les progrès sont possibles. Au Chili, le pourcentage de grossesses d’adolescentes – très pourvoyeuses d’accouchements prématurés – a diminué de 51 % entre 2000 et 2017 alors que, dans le même temps, l’usage de la contraception s’est accru (+ 30 % entre 2007 et 2018).
La Figo a choisi de promouvoir cinq actions parmi celles proposées par l’OMS pour réduire l’impact de la prématurité. Ce programme, dénommé Figo PremPrep 5, sera expliqué et diffusé au travers d’une vidéo qui devrait être traduite dans les différents langages nationaux. Les cinq mesures ont été choisies pour leur capacité de réduire la morbimortalité ainsi que pour leur accessibilité. En pratique, elles associent : utilisation de dexaméthasone ou bétaméthasone en cas d’accouchement avant 34 semaines de terme (ce qui fait espérer 370 000 morts de moins par an dans le monde et plus d’un tiers de baisse des syndromes de détresse respiratoire et des hémorragies intraventriculaires) ; administration de sulfate de magnésium avant 30 semaines dans un objectif de neuroprotection ; clampage tardif (après 30 secondes) du cordon (ce qui diminue la mortalité néonatale mais aussi le risque d’anémie infantile à un an), allaitement maternel dès la première heure de vie, éventuellement en tirant le lait ; et utilisation de la méthode kangourou (peau à peau avec le nouveau-né), et ce, y compris avec les pères. Cette dernière mesure pèse fortement dans les pays à faible revenu, avec une diminution de la mortalité infantile de 51 %, a signalé la Dr Catalina Valencia (Colombie).
Communications des Pr Bo Jacobsson (Göteborg), Jeanne Conry (Figo, Londres) et de la Dr Catalina Valencia (Colombie)
(1) Gallos I., and al. Randomized trial of early detection and treatment of postpartum hemorrhage. N Engl J Med, 2023 July 6; 389:11-21
(2) World Health Organization. Born too soon: decade of action on preterm birth. 9 May 2023. Global report
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