Comment expliquer la présence de symptômes persistants plusieurs mois après une infection Covid ? Une nouvelle étude parue dans le « Journal of Medical Virology » apporte de nouveaux éléments en faveur de l'hypothèse d'une dérégulation persistante de la réponse immunitaire innée chez les patients sévères, basée sur les pièges extracellulaires des neutrophiles (NET, pour Neutrophil Extracellular Traps). Cette découverte est le fruit du travail d'une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (Inserm/université de Montpellier), en collaboration avec le CHU de Montpellier.
« C'est la première explication moléculaire et physiologique du Covid long », indique au « Quotidien » Alain Thierry, directeur de recherche Inserm qui a dirigé ces travaux. Avec son équipe, il s'est intéressé aux NET bien avant la pandémie.
« Ces NET correspondent à des filets d'ADN, associés à des enzymes extrêmement puissantes, expulsés par les neutrophiles dès les premières heures d'une infection », explique le chercheur. Dans les maladies auto-immunes, ce phénomène de la réponse immunitaire innée est dérégulé, ce qui se traduit par une multiplication de ces filets d'ADN, menant à la production d'autoanticorps.
« Les NET s'associent aux plaquettes et à ces autoanticorps, entraînant des microthromboses », détaille Alain Thierry, expliquant qu'il a été le premier à émettre l'hypothèse d'un tel phénomène dans le Covid au début de la pandémie. Dans de précédents travaux parus dans le « Journal of Clinical Medicine », il avait ainsi montré qu’une partie de la réponse immunitaire innée était dérégulée chez les patients atteints d'une forme grave de Covid. En avril 2020, une équipe américaine a publié en parallèle dans « JCI Insight » de premiers résultats montrant des taux élevés de NET chez des patients Covid.
Un phénomène persistant à l'origine de microthromboses
Dans ce nouvel essai mené avec le CHU de Montpellier, les chercheurs français vont plus loin en s'intéressant aussi à des patients qui souffrent de symptômes persistants six mois après avoir été pris en charge en soins critiques pour un Covid. Au total, ont été inclus un total de 229 participants : 112 patients Covid dont 26 non sévères, 44 patients sévères et 42 patients en phase post-aiguë ainsi que 117 individus sains.
« Nous avons observé un niveau important de NET et d'autoanticorps anti-cardiolipine produits par ces NET dans la grande majorité des patients sévères, mais également six mois après la phase aiguë », résume Alain Thierry. Ces résultats suggèrent que le Covid long pourrait s'expliquer en partie par une dérégulation persistante de la réponse immunitaire innée, notamment par le biais de la formation de microthromboses. Des facteurs individuels, notamment génétiques, entrent probablement en compte pour expliquer pourquoi ce phénomène survient chez certains patients et pas d'autres.
« Il est nécessaire de poursuivre les recherches afin d’une part de confirmer cela et d’autre part de mieux comprendre la nature de ce phénomène pouvant être grave et durable, pour améliorer la prise en charge thérapeutique des patients », note Alain Thierry, évoquant par ailleurs la piste des antioxydants, alors que « le mécanisme de stimulation des neutrophiles est lié à des phénomènes d'oxydation ».
Avec son équipe, le chercheur a déposé cet été un brevet portant sur un test diagnostique pour l'analyse conjointe des biomarqueurs des NET et l'analyse de l'ADN circulant.
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