Si les cancers ORL restent surtout imputables à l’exposition au tabac ou à l’alcool, une part non négligeable s’avère induite par des papillomavirus humains (HPV). En particulier, une proportion croissante des cancers de l’oropharynx (la moitié, dans de récentes séries françaises) semble liée au HPV.
Dans ce contexte, la question d’un éventuel dépistage pourrait se poser. Mais pour le moment, les tests existants se révèlent peu efficaces dans cette localisation. Les lésions se formant au fond des cryptes amygdaliennes, difficile en effet de réaliser un prélèvement non invasif de qualité suffisante pour la cytologie. De plus, les techniques virologiques de recherche d’ADN de papillomavirus oncogènes – testées sur des prélèvements salivaires – ont donné des résultats négatifs dans plusieurs études.
Le dépistage sérologique à l'étude
La donne pourrait changer avec l’identification de biomarqueurs potentiels de ces cancers tels que les anticorps dirigés contre une oncoprotéine précoce de papillomavirus oncogènes : la protéine E6.
En effet, de vastes études rétrospectives suggèrent que 90 % des individus atteints d’un cancer HPV-induit porteraient ces anticorps dès 10 à 20 ans avant apparition d’une lésion cancéreuse. Au contraire, en population générale, le taux de prévalence de ces immunoglobulines ne dépasserait pas 0,6 à 1 %. Et l’association entre séropositivité E6 et cancer serait plus forte dans l’oropharynx que dans les autres localisations cancéreuses. L’intérêt potentiel de ce biomarqueur se dégage aussi d’études prospectives. Ainsi, une publication allemande (T Waterboer et al., Jama Oncology, 2020) a décelé, parmi 603 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, 13 porteurs d’anticorps anti-E6, dont deux se sont avérés atteints d’un cancer oropharyngé. Des modélisations (HA Robbins, J. Clin. Oncol., 2022) estiment au total à 17 % à 10 ans le risque de cancer oropharyngé chez les hommes de plus de 50 ans séropositifs à E6. D’où un number needed to screen relativement faible, compris entre 460 et 700 – contre 500 à 1 100 dans le dépistage des cancers du col, du sein ou colorectal.
Pour augmenter encore les performances d’un éventuel dépistage sérologique, d’autres immunoglobulines pourraient être ciblées en plus des anticorps anti-E6. Une étude prospective conduite auprès d’environ 4 500 habitants de la région de Hambourg âgés de 45 à 74 ans aurait trouvé, sur 9 individus porteurs à la fois d’anticorps anti-E6 et d’autres anticorps dirigés contre d’autres oncoprotéines précoces d’HPV et ayant accepté un suivi prospectif, trois cas de cancer de l’oropharynx décrits dans une publication datée de 2022 (C-J Busch et al., EClinicalMedicine). Depuis, deux nouveaux cas auraient été détectés.
Ces tests restent cependant au stade de la recherche, seul le centre d’investigations allemand DKFZ disposant à l’heure actuelle de l’expertise pour les réaliser.
L’ADN plasmatique expérimenté en prévention tertiaire
Autre biomarqueur prometteur : l’ADN d’HPV circulant signerait la présence de lésions même microscopiques et pourrait servir au repérage précoce des rechutes après traitement, en prévention tertiaire. Car ce marqueur, positif au moment du diagnostic puis négatif après traitement, augmente progressivement en cas de rechute, avant tout évènement clinique décelable. Ainsi, deux tests sanguins positifs consécutifs annonceraient une rechute, avec des valeurs prédictives positive de 94 % et négative de 100 %, selon une étude prospective conduite sur 115 patients (BS Chera et al, 2020, J. Clin. Oncol.). En France, un premier essai randomisé devrait commencer en 2024.
D'après la table ronde « Actualité et HPV: vers une élimination des cancers HPV-induits »
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