BNP, troponine et D-dimères

Comment les utiliser en pratique ?

Publié le 11/02/2011
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Crédit photo : S TOUBON

TROIS MARQUEURS fondamentaux sont utilisés aux urgences dans le cadre des pathologies cardio-pulmonaires : les D-dimères en cas de suspicion d’embolie pulmonaire, le BNP (Brain Natriuretic Peptide) marqueur de l’insuffisance cardiaque et la troponine en cas de suspicion de syndrome coronarien ou d’infarctus du myocarde.

Embolie pulmonaire : de la suspicion à la probabilité clinique.

En cas de suspicion, embolie pulmonaire, le dosage des D-Dimères s’inscrit dans une démarche diagnostique qui prend en compte les données cliniques. Des algorithmes décisionnels de prise en charge ont été bien définis. Ils débutent par l’établissement d’un score de probabilité clinique (probabilité forte, intermédiaire ou modérée) en fonction des données anamnestiques (âge, antécédents de thrombose veineuse, chirurgie récente ou immobilisation pour fracture…) des symptômes (hémoptysie…), des signes cliniques (fréquence cardiaque…) En urgence les D-dimères représentent un marqueur biologique de thrombose de grande valeur prédictive négative chez les patients dont le score de probabilité est faible ou intermédiaire. Dans ces conditions, une négativité des D-Dimères permet d’exclure de façon fiable le diagnostic d’embolie pulmonaire. En revanche, chez les patients dont la probabilité clinique est forte, des D-dimères négatifs ne permettent pas à eux seuls d’exclure l’hypothèse d’une embolie, un angioscanner spiralé est indiqué d’emblée pour confirmer ou exclure le diagnostic (recommandations européennes). A contrario, les D-dimères ont une faible spécificité, un test positif ne permettra pas de retenir le diagnostic et cette faible spécificité décroît encore avec l’âge.

BNP et Pro BNP dans l’insuffisance cardiaque.

Chez les sujets âgés, l’insuffisance cardiaque est souvent intriquée avec une pathologie broncho-pulmonaire. Le diagnostic d’insuffisance cardiaque chez un patient dyspnéique est alors souvent difficile dans la mesure où les signes cliniques et radiologiques ne sont pas toujours concluants et que l’échocardiographie cardiaque est difficilement disponible dans les services d’urgence. C’est dans ce contexte que le BNP et le pro-BNP, marqueurs de distension du ventricule gauche prennent tout leur intérêt.

Un algorythme décisionnel de prise en charge a été défini. Il repose sur les résultats de l’étude de Maisel et coll., publiée en 2002, qui a montré à la fois que les taux de BNP sont très élevés en cas d’insuffisance cardiaque confirmée, très bas chez les patients qui ont une dyspnée sans insuffisance cardiaque (asthme…), modérément élevés chez les patients qui ont une insuffisance cardiaque stable et une dyspnée liée à une autre cause. Les patients dont le BNP est < 100 pg/ml et le pro-BNP < 300 pg/ml ont une très faible probabilité d’avoir une insuffisance cardiaque (2 %), les patients dont qui ont le BNP est › 500 pg/ml et le probNP › 1 800 pg/ml ont une forte probabilité d’avoir une insuffisance cardiaque et seront pris en charge comme tels. Reste une zone grise avec des valeurs de BNP comprises entre 100 à 400 pg/ml et de NT proBNP › à 300 - 400 pg/ml < 1 800 pg/ml) qui ne permet pas de poser le diagnostic, d’autres investigations en particulier l’échographie doivent alors être mises en œuvre.

Troponine et infarctus du myocarde.

L’infarctus du myocarde est maintenant défini par l’élévation de la troponine au-dessus du 99e percentile des valeurs observées en population saine avec un coefficient de variabilité (CV) de 10 %. Cependant, l’élévation de la troponine n’est pas synonyme de syndrome coronarien, elle témoigne d`une souffrance myocardique, mais ne préjuge pas de son étiologie qui peut être ischémique comme non ischémique, elle ne peut être interprétée qu’en fonction du contexte clinique. En outre, l’élévation de la troponine n’est pas instantanée dès le début de l’ischémie myocardique, il peut s’écouler plusieurs heures avant qu’elle ne s’élève, d’où les recommandations de faire une cinétique de troponine avec des dosages à l’admission et après 6 heures et, si la symptomatologie est compatible avec un infarctus du myocarde, à la douzième, voire à la vingt-quatrième heure. Cette stratégie de prise en charge a été modifiée avec l’arrivée de la troponine hypersensible qui permet d’avoir une précision analytique plus importante, le 99e percentile à 13,5 ng/l avec un coefficient de variabilité de 10 % est une valeur seuil faible qui n’aurait pu être détectée par les dosages classiques.

Par ailleurs, l’élévation de la troponine hypersensible se fait dans un temps plus court (3 heures après le premier dosage), de ce fait le délai entre deux dosages est abaissé de 6 à 3 heures, ce qui permet une évaluation plus rapide des patients. En pratique, une troponine hypersensible négative 3 heures après le début d’une douleur précordiale permet d’exclure le diagnostic de syndrome coronarien avec un intervalle de confiance de 80 à 100 %. Une troponine hypersensible positive élevée, avec une variation significative entre deux dosages, a une valeur prédictive de 100 % pour le diagnostic d’infarctus du myocarde. Une collaboration étroite entre cliniciens et biologistes est indispensable pour bien connaître les valeurs seuils qui peuvent varier d’un laboratoire à l`autre, mais aussi mettre en place des algorithmes de prise en charge des patients, conclut le Dr Séverine Charpentier.

D’après la communication du Dr Séverine Charpentier, urgentiste à Toulouse.

 Dr MICHELINE FOURCADE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8905