En France, environ 200 000 personnes souffrent de trouble de l’usage des opioïdes. En 2017, une étude avait relevé qu’environ 180 000 patients avaient eu recours à un remboursement de traitement de substitution (1).
Depuis 1995, la prescription s’est largement ouverte aux médecins généralistes, avec la buprénorphine (62 %) et la méthadone (38 %). Les données françaises montrent que les objectifs de santé publique sont atteints et que la morbimortalité est réduite (1). « Malgré cela, il semble que l’opinion publique, et celle des tutelles, restent à conquérir », déplore le Dr Nicolas Cabé (CHU Caen Normandie).
Les formes orales posent toutefois nombreuses questions, concernant les modalités optimales du traitement. « La mauvaise observance, le mésusage, la présence de médicaments opiacés au domicile, la fuite de médicaments dans le marché noir (vol, revente…), restent une réelle préoccupation, explique le Dr Cabé. Sans compter que la qualité de vie du patient n’est pas optimale : les prises quotidiennes engendrent des fluctuations de la concentration plasmatique de substitution, et donc des symptômes de manque (2). »
Meilleure stabilisation et sécurité d’utilisation
De nouvelles formulations galéniques de buprénorphine d’action prolongée sont désormais disponibles. Buvidal, injection sous-cutanée hebdomadaire ou mensuelle, est disponible en de multiples dosages. Sixmo, implant sous-cutané à administration semestrielle, est restreint aux patients cliniquement stabilisés sous buprénorphine sublinguale à une posologie ne dépassant pas 8 mg/j. Leur prescription et leur administration sont réservées aux médecins exerçant en Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) et aux médecins hospitaliers.
Les études portant sur Buvidal ont montré que cette forme galénique permettait une substitution plus continue, avec moins de symptômes de manque et de craving. L’étude pivot de phase III a démontré la non-infériorité de Buvidal solution injectable à libération prolongée, par rapport à l’association buprénorphine/naloxone en comprimé sublingual, quant au pourcentage de tests urinaires négatifs aux opioïdes illicites chez des patients ayant un trouble de l’usage des opiacés modéré à sévère ne recevant pas de traitement de substitution aux opiacés.
L’étude Ambre a été menée en 2018-2019, chez des patients toxicomanes avec une dépendance aux opioïdes, suivis en ville, en Csapa ou en unités pénitentiaires, afin notamment de connaître leur degré d’acceptabilité vis-à-vis de ces formes à action prolongée. Parmi les patients incarcérés, 51,1 % se déclarent prêts au changement. « La pharmacologie (avoir une dose constante et efficace) est un aspect primordial en faveur du choix de ces traitements à libération prolongée : il est avancé chez 93,7 % des patients incarcérés et 82,8 % des patients non incarcérés. Respectivement 82,3 et 79,2 % apprécient la possibilité de ne prendre le traitement qu’une seule fois par semaine ou par mois, le fait qu’il soit plus discret (82,3 % et 79,2 %), et de ne plus craindre de se sentir malade en cas d’oubli de traitement », détaille le Dr Julien Cabé (CHU Clermont-Ferrand).
Plusieurs profils patients semblent particulièrement adaptés aux formes à libération prolongée : patients déjà sous forme injectable retard (en sortie d’incarcération), patients stabilisés et nécessitant la poursuite d’un traitement de substitution oral (TSO) au long cours, ou ayant des difficultés à adhérer à une forme quotidienne de TSO, situation à risque de mésusage, primoprescription de TSO.
Une enquête vis-à-vis de Buvidal montre la satisfaction des patients. « Toutefois, un changement important concerne l’organisation des soins. Tout est recentré sur l’hôpital et le Csapa alors que les médecins généralistes sont les plus gros prescripteurs de buprénorphine », s’alarment le psychiatre.
Exergue : « Tout est recentré sur l’hôpital et le Csapa alors que les médecins généralistes sont les plus gros prescripteurs »
Session « Traitement à libération prolongée pour la substitution aux opioïdes : vers un changement de paradigme » (1) Fatseas M. et al. Curr Psychiatry Rep. 2007 Oct;9(5):358-64 (2) Fatseas M. doi.org/10.1007/978-88-470-5322-9_21
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