LE QUOTIDIEN. Comment prescrire les fluoroquinolones en urologie ?
Dr MAXIME VALLEE. Au sein de la thématique infectieuse, le bon usage des fluoroquinolones en urologie est nécessaire. La consommation des antibiotiques en France demeure environ 30 % au-dessus de la moyenne européenne et notre pays connaît un taux de résistances relativement élevé : 11 % des souches d’Escherichia Coli étaient résistantes aux fluoroquinolones en 2018.
Ainsi, pour préserver leur efficacité au fil du temps et pour prévenir l’augmentation des résistances, il est essentiel de prescrire les fluoroquinolones à bon escient. Ce qui concrètement signifie de ne pas les prescrire dans les cystites de la femme, de ne pas les utiliser sans fondement dans les autres infections non graves et/ou virales comme les bronchites, les otites ou les rhinopharyngites. Elles n’ont pas de place en traitement probabiliste, en dehors de la prise en charge ambulatoire de la pyélonéphrite aiguë simple ou de l’infection urinaire masculine en cas de traitement ne pouvant être différé. Et, lorsqu’elles sont indiquées, il faut éviter les prescriptions prolongées. Cette famille d’antibiotiques à large spectre a une bonne diffusion dans l’ensemble de l’organisme et est donc délétère pour tous les microbiotes, expliquant à terme la survenue des résistances. Il faut donc les garder pour les situations complexes, message qui semble-t-il est bien passé puisque leur prescription est en diminution. En 10 ans, la prescription a diminué de 35 % en médecine de ville, de 25 % en hospitalier et de 85 % en médecine vétérinaire !
À noter également que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a alerté en 2018 sur le risque de survenue d’anévrisme et de dissection aortique en rapport avec leur administration, notamment chez les patients ayant certaines maladies cardiovasculaires ou du tissu conjonctif (Ehlers-Danlos, Marfan…), mais aussi une hypertension artérielle, et plus récemment en 2020, sur le risque d’atteinte valvulaire.
Que connaît-on du microbiote urinaire ?
C'est un autre domaine de recherche plus nouveau en urologie : celui du microbiote urinaire, bien moins connu que le microbiote digestif. Les travaux, plus récents, se multiplient depuis 2013 et ont déjà permis de faire tomber un dogme : les urines ne sont pas stériles ! Les progrès de la métagénomique ont en effet permis de mettre en évidence l’existence d’un microbiote urinaire, qui varie en fonction de l’âge et du sexe et serait très caractéristique d’un individu donné, « tel un code-barres ». Ce microbiote, qui jouerait un rôle important dans la protection contre les infections et le fonctionnement « normal » de la vessie, peut toutefois évoluer au cours de la vie, notamment à la faveur d’états pathologiques. Des travaux ont mis en évidence des altérations du microbiote chez les personnes souffrant d’hyperactivité vésicale idiopathique ou d’un syndrome douloureux pelvien chronique, mais on ne sait pas encore pour l’instant quel est le primum movens : le microbiote ou la pathologie chronique.
Le domaine de recherche est vaste et d’autres équipes travaillent par exemple sur l’impact de la prise d’antibiotiques de façon prolongée sur le risque de tumeurs de la vessie. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements, mais les premières recherches ouvrent des pistes intéressantes.
Quelles sont les nouvelles recommandations sur la prise en charge des infections sur matériel endo-urétéral ?
Cette édition du CFU a été l’occasion de présenter les recommandations sur la prévention, le diagnostic et le traitement des infections sur matériel endo-urétéral du comité d’infectiologie de l’AFU. Plus de la moitié des patients porteurs d’une sonde urétérale en double J ont des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) et c’est la survenue ou l’aggravation de ces signes qui doit faire évoquer une infection urinaire. Les experts recommandent de ne pas utiliser la bandelette urinaire pour faire le diagnostic d’infection urinaire chez ces patients.
La modification des symptômes et l’apparition d’un syndrome septique (fièvre et douleurs lombaires) doivent faire rechercher une pyélonéphrite sur sonde.
Après trois mois de port d’une sonde double J, la colonisation du matériel semble systématique , mais elle ne doit pas être traitée, sauf situations particulières. En revanche, une infection urinaire fébrile doit faire évoquer une sonde bouchée, qui est une indication à une imagerie en urgence pouvant conduire au changement de matériel sans délai si celui-ci dysfonctionne.
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