Le développement de comportements alimentaires « healthy », tels que les régimes sans gluten, vegan ou végétarien, pourrait avoir entraîné l’apparition d’allergènes émergents, avec de nouvelles allergies alimentaires IgE médiées, potentiellement sévères. « Avec l’adoption prévisible de ces régimes par les prochaines générations, on peut imaginer une augmentation continue de ces nouvelles allergies dans le futur », note la Dr Christine Delebarre (GHICL-Lille).
Certains de ces nouveaux régimes sont riches en graines. En 2023, le Réseau d’allergo-vigilance (RAV) rapportait des cas d’anaphylaxie de grades 2 et 3 (selon Ring et Messmer) pour les graines de tournesol, courge, lin, amarante, millet, sarrasin, quinoa, ainsi que pour les huiles de sésame et de tournesol. Ces manifestations allergiques IgE médiées impliquent le plus souvent des protéines de stockage et de transfert lipidique (LTP). Moins récente, l’allergie à la moutarde – grande cause d’allergie alimentaire chez les enfants – est aussi à l’origine de manifestations pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie, avec un gradient de sévérité plus élevé chez les adultes et de nombreuses réactions croisées.
Quant à l’allergie aux épices, notamment aux apiacées (anis, aneth, coriandre, cumin, céleri), elle reste rare, représentant 2 % des allergies alimentaires, et touche avant tout les adultes.
1 % des anaphylaxies
Les allergènes sont dits émergents quand ils représentent 1 % ou plus des cas d’anaphylaxie sévère enregistrés et/ou qu’ils ont un potentiel prédictif de réactivité croisée moléculaire avec un allergène à déclaration obligatoire déjà fréquemment déclaré. Le RAV en a retenu quatre en 2024, dont certains sont privilégiés dans le cadre des nouveaux régimes alimentaires : 2,83 % de manifestations allergiques sévères (MAS) sont provenues des laits de chèvre et de brebis ; 2,36 % du sarrasin – utilisé comme substitut du gluten ; 1,83 % des pois et lentilles, légumineuses, privilégiées dans les régimes sans viande ; et 1,63 % du pignon de pin.
Il faut élargir la déclaration obligatoire
Dr Christine Delebarre
« Il est nécessaire de revoir la législation relative à la déclaration obligatoire pour ces allergènes », soutient la Dr Delebarre, qui recommande de « manger diversifié, avec “un peu de tout” et “de tout, un peu”, sans se limiter à une ou à quelques catégories alimentaires. »
Sulfites, colorants, conservateurs… les allergies aux additifs ne sont pas si rares
Environ 3 000 substances sont identifiées comme additifs alimentaires, parmi lesquelles 1 000 « généralement reconnues comme sûres » (Gras). « Les réactions d’hypersensibilité sont rares, rassure la Dr Elleni-Sofia Vaia (CHU Brugmann, Belgique), mais avec parfois des intolérances ou des allergies, lesquelles peuvent être sévères. »
- Le carmin naturel (colorant E120) se retrouve dans la viande, les jus de fruits, en passant par les médicaments, les cosmétiques, etc. Sont régulièrement remontés des cas d’anaphylaxie, mais également d’allergies respiratoires, dont de l’asthme professionnel. Idem avec le riz rouge ou encore l’annatto, qui a pu induire de l’urticaire chronique et des anaphylaxies.
- La tartrazine (colorant de synthèse E102) a été impliquée dans des cas d’urticaire, d’asthme et d’intolérance à l’aspirine. L’érythrosine (E127) a pu déclencher des stomatites de contact.
- Les sulfites (E220 à l’E228) peuvent entraîner – rarement – des manifestations immunologiques (IgE dépendant, type IV ; déficit en sulfite oxydase).
- Les nitrites peuvent être suspectés en cas d’urticaire, de prurit chronique, de symptômes digestifs, de céphalées et d’anaphylaxie.
- Les benzoates (E210-E219) ont été identifiés dans des cas de dermatite atopique, urticaire, asthme, rhinite, érythème polymorphe et anaphylaxie.
- Les épaississants/gommes ont été impliqués dans des rhinites allergiques, urticaires et asthmes professionnels. Les carraghénanes (E407) peuvent déclencher de rares anaphylaxies.
Le diagnostic requiert une anamnèse précise (clinique et journal alimentaire), des tests cutanés/biologiques et de provocation. La prise en charge nécessite l’éviction et le port d’une trousse d’urgence d’adrénaline si indiquée.
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