Dans la sphère digestive, la littérature pointe régulièrement l’association du tabagisme actif avec le cancer colorectal, peut-être surtout pour le rectum. Le rapport du directeur général des services de santé américains confirme que les preuves sont suffisantes pour affirmer la relation causale en ce qui concerne les polypes adénomateux et leur version cancéreuse, même si le risque relatif (de 1,5 à 2) est bien plus faible que pour le cancer du poumon (1). Certains arguments suggèrent une susceptibilité génétique.
Si la relation semble aussi assez claire au niveau de l’estomac, il faut être plus prudent au niveau hépatique, le risque carcinogène étant surtout lié aux VHC et VHB.
Des données sérieuses suggèrent une relation entre l’exposition au tabac et le cancer du pancréas, avec une relation dose-effet. Le tabac, génotoxique et inflammatoire, pourrait interagir là encore avec d’autres facteurs, comme l’alcool ou la pancréatite chronique.
Au niveau gynécologique, les données sont assez surprenantes, puisque le risque de cancer de l’endomètre serait diminué chez les fumeuses, mais augmenté pour les cancers du col, dans lesquels interviennent d’autres facteurs confondants. Dans les cancers de l’ovaire, le risque concernerait uniquement le type mucineux.
Le tabagisme semble augmenter de 20 % le risque de développer un cancer du sein, avec une relation dose-intensité, mais les preuves ne sont pas suffisantes pour établir une relation de causalité. « Le tabagisme intervient probablement, mais derrière les autres facteurs de risque comme la génétique », observe le Dr Thierry Berghmans (Bruxelles).
En hématologie, les conclusions sont très hétérogènes. Le tabac favoriserait certaines leucémies aiguës, mais serait neutre quant à la leucémie myéloïde chronique. Il pourrait augmenter les lymphomes hodgkiniens, mais pas les non hodgkiniens, et il n’a pas été mis en évidence d’association avec le myélome.
Par ailleurs une méta-analyse récente semble indiquer une augmentation, chez les enfants nés de mère fumeuse, du risque de certains lymphomes non hodgkiniens et de tumeurs cérébrales. Le tabagisme du père pourrait aussi être un facteur de risque.
Sur le plan cutané, les données ne sont pas concordantes en ce qui concerne les mélanomes, et différeraient entre les hommes et les femmes. Le tabac pourrait favoriser les spinocellulaires, mais non les basocellulaires.
Pour l’appareil génito-urinaire, le tabagisme augmenterait le risque de cancer du rein de 50 %, mais on n’a pas observé de surrisque pour la prostate.
Enfin, il n’a pas été constaté de surrisque pour les tumeurs cérébrales, et, si une méta-analyse a montré une réduction modérée du risque de cancer de la thyroïde, elle ne permet pas de trancher définitivement.
Quant au tabagisme passif, si son implication est prouvée dans le cancer du poumon, aucune donnée probante ne permet de conclure à son innocuité ni à sa toxicité pour les autres localisations.
Entretien avec le Dr Thierry Berghmans, chef de la clinique d’oncologie thoracique de l’Institut Jules-Bordet (Bruxelles)
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