« Les choses sont claires aussi bien du côté des professionnels de santé publique que des institutions, depuis la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac : les intérêts de la santé publique et ceux de l’industrie du tabac sont totalement opposés et inconciliables. Toute contribution de personne affiliée à l’industrie du tabac doit être refusée », insiste Pascal Diethelm, expert en santé publique et ex-fonctionnaire de l’OMS. Mais cette industrie ne lâche pas prise et déploie diverses stratégies pour s’insérer dans le débat public.
Humanitaires, écologiques et même citoyens !
Les compagnies de tabac n’hésitent pas à se présenter comme faisant partie de la solution, en mettant en avant de nouveaux produits (tabac à chauffer, cigarette électronique), théoriquement moins nocifs, qui s’inscriraient dans une « stratégie de réduction de risque ». Marketing, non réalité. Elles continuent bien évidemment de promouvoir les cigarettes conventionnelles, leur source majeure de profit.
L’industrie du tabac crée aussi des organisations paravents, dont certaines à but pseudo-humanitaire, une association impliquée dans la lutte contre le travail des enfants dans les plantations de tabac, par exemple. Cela sert essentiellement à masquer les causes réelles de cette situation : leur propre exigence du moindre coût, qui accule les planteurs à faire travailler leurs enfants pour pouvoir survivre.
Enfin, ces entreprises jouent sur l’aspect « responsabilité sociale », qui leur permet, par exemple avec la distribution de cendriers de poche, de normaliser l’usage du tabac dans la société tout en se donnant une image écologique. En réalité, ces cendriers, fabriqués en grande quantité, assortis du logo de la marque, finissent dans la nature avec les mégots.
Des études détournées
Les industriels sont aussi parvenus à contrôler certaines revues scientifiques où publient des personnes ayant, officiellement ou non, des liens très étroits avec l’industrie du tabac. Pascal Diethelm a ainsi dénoncé deux professeurs de l’université de Zurich payés par Philip Morris pour analyser l’impact du paquet neutre. Ils concluaient dans deux études, une sur la population adulte, l’autre sur les jeunes, que celui-ci n’a strictement aucun effet sur la consommation de tabac. « En reprenant leurs chiffres, nous obtenons des résultats totalement opposés, explique l’expert. Nous avons ainsi montré qu’en Australie le paquet neutre a fortement fait baisser la prévalence du tabagisme. Les résultats sont fiables, provenant d’un large échantillon, de 700 000 personnes. »
Vraies cigarettes, fausses informations
Pour contrer l’augmentation du prix de la cigarette, certains arguent qu’elle favoriserait la contrebande. Or la fabrication et les circuits du tabac de contrebande sont généralement alimentés par l’industrie du tabac elle-même. De plus, les chiffres de contrebande sont bien moins élevés que ceux avancés, et la contrefaçon est quasi inexistante… même si les industriels en parlent beaucoup !
Entretien avec Pascal Diethelm, expert en santé publique, ex-fonctionnaire de l’OMS
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