Le tabagisme provoque une dysfonction endothéliale (DE) altérant la vasomotricité de la paroi artérielle qui réduit les apports sanguins en dioxygène, participe à la formation de la plaque et surtout au risque de spasme artériel, en particulier coronaire. Les radicaux libres diminuent la disponibilité du NO et libèrent du peroxynitrite, qui majore le stress oxydatif, dont la responsabilité se retrouve à tous les niveaux des mécanismes athérothrombotiques.
Le profil lipidique est aussi modifié, avec une baisse du HDL, dont le mécanisme est mal connu, et une augmentation du LDL. L’agueusie des fumeurs les oriente vers les aliments les plus goûteux, qui sont aussi les plus riches en acides gras saturés. En raison du stress oxydatif, ce LDL va être peroxydé, et ce sont ces lipides peroxydés qu’on retrouve au niveau des plaques d’athérome.
Le tabagisme entraîne enfin une inflammation chronique avec élévation des cytokines pro-inflammatoires. La DE, l’inflammation et les anomalies lipidiques se conjuguent pour favoriser la formation des plaques d’athérome et leur rupture.
Accident aigu précoce
L’inflammation et la DE favorisent la fissuration des plaques, mettant en contact le sang circulant avec leur contenu, ce qui active la thrombose artérielle. Cette dernière est le facteur prédominant des accidents aigus. Le tabac favorise essentiellement l’agrégation plaquettaire, diminue l’activité fibrinolytique, augmente le taux de fibrinogène et la viscosité sanguine, du fait d’une relative polyglobulie et de l’hyperleucocytose. « Ces accidents aigus peuvent survenir très précocement, et sur des lésions minimes qui n’auraient pas eu de traduction clinique sans le tabac », souligne le Pr Daniel Thomas (Paris).
Le monoxyde de carbone entre en compétition avec le dioxygène et contribue ainsi à l’hypoxie tissulaire, surtout sur un lit artériel déjà altéré. Facteur arythmogène, il majore le risque de troubles du rythme, en particulier ventriculaire, et de mort subite – essentiellement chez des patients déjà coronariens. Même si le tabac n’est pas la cause essentielle de fibrillation atriale (FA), le risque est augmenté, du fait de l’inflammation et du stress oxydant favorisant la fibrose interstitielle auriculaire.
Quant à la nicotine, responsable de la dépendance, elle est peu impliquée dans les complications cardiovasculaires. La stimulation adrénergique contemporaine de ses pics (qu’on ne retrouve pas avec les substituts nicotiniques) augmente de façon transitoire la PA et la FC à chaque cigarette, mais on ne retrouve pas de corrélation évidente entre tabagisme et HTA permanente.
Tous ces phénomènes délétères sont rapidement inversés par l’arrêt du tabac, en particulier l’effet sur les plaquettes, rapidement réversible du fait de leur demi-vie courte. Le bénéfice sur la thrombose, majeur si le sevrage est précoce, reste très important, y compris chez les plus âgés, de même que sur l’hypoxie, le risque de spasme, et de fibrillation ventriculaire après un infarctus du myocarde. L’inflammation est un peu plus longue à disparaître.
Entretien avec le Pr Daniel Thomas, président de la Fédération française de cardiologie
Article précédent
Diabète et tabac, un couple infernal
Une priorité de santé
Une interaction tabac-AVK
Fumer ou dormir, il faut choisir
Le vapotage n’inciterait pas au tabagisme
Des conséquences pour toute la vie
Deux jours pour changer
Un Mooc sur le tabac
Une opportunité pour l’arrêt du tabac
La prévention par les pairs
Les kilos du microbiote
Les tactiques du lobby du tabac
Les autres cancers du tabac
Diabète et tabac, un couple infernal
La thrombose, première toxicité du tabac
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?