LE QUOTIDIEN –Les recommandations de l’ESH de 2009 sont-elles toujours d’actualité ?
Pr STEPHANE LAURENT – Les Britanniques ont déjà émis de nouvelles recommandations pour la prise en charge de l’hypertension artérielle en 2011 et les recommandations européennes devraient prochainement être actualisées. Depuis plusieurs mois déjà, nous sommes en train d’écrire une nouvelle version, en collaboration avec la Société européenne de cardiologie (ESC). Les recommandations communes ESH/ESC devraient être publiées en juin 2013 à l’occasion du prochain congrès de l’ESH qui se tiendra à Milan. Elles seront présentées sous une forme un peu simplifiée, plus pratique, avec un système de grade et de niveau de preuve.
La dénervation rénale a fait l’objet de nombreuses communications, quelles sont ses indications ?
La dénervation rénale par voie endovasculaire consiste à détruire partiellement les fibres nerveuses sympathiques par radiofréquence pour enrayer leur effet à la hausse sur la pression artérielle. Il s’agit d’une avancée pour les patients en échec thérapeutique, considérés comme ayant une HTA résistante. Il ne faudrait pas que le côté « magique » de cette procédure fasse poser son indication un peu trop facilement. Cette technique doit être utilisée à bon escient et rester exceptionnelle après avoir éliminé les autres causes (HTA secondaire, syndrome d’apnées du sommeil, mauvaise observance du traitement, etc.) et avoir épuisé les moyens pharmacologiques. Pour toutes ces raisons, elle doit être pratiquée dans des centres d’excellence de l’HTA reconnus par la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) et l’ESH. Il en existe quatorze en France. Un récent consensus d’experts (1) limite l’indication de la technique aux patients qui ont une HTA essentielle non contrôlée sous quadrithérapie ou plus, avec un traitement comportant au moins un diurétique, la spironolactone à la dose de 25 mg ayant été inefficace, avec au moins une pression artérielle systolique (PAS) › 160 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) › 100 mmHg en consultation et la confirmation d’une PAS › 135 mm Hg et d’une PAD › 85 mmHg en automesure ou par MAPA, avec une anatomie des artères rénales compatible avec l’intervention.
Où en est aujourd’hui le concept de variabilité tensionnelle intervisite ?
Peter Rothwell et son équipe (Oxford) ont montré que l’hypertension épisodique est au moins aussi importante que l’hypertension persistante. La variabilité de la pression artérielle d’une visite à l’autre est en effet fortement corrélée avec le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), indépendamment de la PAS moyenne. Ces résultats ont des implications cliniques majeures pour la prise en charge des hypertendus et la réduction de la variabilité est désormais un objectif à atteindre. Deux mécanismes sont aujourd’hui évoqués pour expliquer comment cette variabilité intervisite influe sur le risque d’AVC. Tout d’abord, les épisodes d’hypotension pourraient entraîner des petites ischémies répétées avec des petites lésions microvasculaires. Le deuxième mécanisme mis en cause, confirmé dans de récents travaux, est celui de la rigidité artérielle. La perte d’élasticité des parois artérielles avec l’âge ne permet plus d’amortir la pulsatilité de la pression.
Vous animez un groupe de travail européen « Cerveau et HTA », quelles sont les recommandations pour la prévention de l’AVC ?
Il faut sensibiliser les médecins généralistes sur le nécessaire contrôle de la pression artérielle en prévention primaire de l’AVC, bien entendu, mais également en prévention secondaire. Il existe une relation linéaire entre l’hypertension et le risque d’AVC. Lors de la phase aiguë post-AVC, il ne faut pas, en principe, traiter l’hypertension artérielle et cela peut prêter à confusion quant à l’attitude à adopter à distance de l’AVC… Or, l’effet positif d’un traitement antihypertenseur pour atteindre la cible fixée à moins de 140/90 mmHg a été montré dans de nombreuses études. Chez les sujets à haut risque cardio-vasculaire le seuil est de 130-135/80-85 mmHg. S’il y a un seuil tensionnel au-dessous duquel apparaît un risque coronaire, possiblement lié à une hypoperfusion, ce n’est pas le cas pour les AVC et il ne faut pas hésiter à traiter les patients ayant déjà fait un AVC, généralement inquiets et très demandeurs.
(1)Pathak A, Girerd X, Azizi M et coll. Consensus d’expert « Dénervation rénale pour le traitement de l’hypertension artérielle ». Avril 2012, Société française d’hypertension artérielle (www.sfhta.org).
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