En dépit d'une méta-analyse favorable (1), beaucoup de cliniciens s'interrogeaient sur le rapport bénéfice-risque du traitement de l'hypertension du sujet très âgé. Les résultats de l'étude HYVET, dont la publication date de 2008, n’ont plus laissé de place au doute (2).
Il s'agissait d'une étude internationale randomisée à double insu contre placebo. Elle a porté sur des sujets d'au moins 80 ans, ayant une pression artérielle systolique comprise entre 160 et 199 mmHg et une pression artérielle diastolique inférieure à 110 mmHg. La stratégie thérapeutique prévue a été déterminée pour atteindre une pression artérielle cible de 150/80 mmHg.
Par comparaison avec le placebo, une réduction tensionnelle de 15 mmHg pour la systolique et de 6 mmHg pour la diastolique a été observée dans le groupe assigné au traitement actif. Dans cette population d'hypertendus très âgés, le traitement s'est accompagné d'une réduction de 21 % de la mortalité totale, de 39 % de la mortalité par accident vasculaire cérébral et de 23 % de la mortalité cardiovasculaire.
Ainsi, selon les données de l'étude HYVET, le traitement par antihypertenseur permet de réduire la mortalité par accident vasculaire cérébral, mais également la mortalité totale chez les hypertendus de plus de 80 ans. Le nombre de sujets à traiter pour éviter un événement sur deux ans est de 94 pour les accidents vasculaires cérébraux et de 40 pour la mortalité. Le bénéfice du traitement est également net et significatif pour l'insuffisance cardiaque et les événements cardiovasculaires. De plus, il apparaît précocement.
Selon ces résultats, l'étude HYVET montre qu'il n'existe pas de limite en termes d'âge pour traiter l'hypertension. La limitation tient en revanche à la fragilité de ces patients, qu’il convient d’évaluer pour définir les cibles tensionnelles (3).
Un syndrome clinique, une évaluation simple
La fragilité est un syndrome clinique qui reflète une diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux. Le syndrome de fragilité est un marqueur de risque de mortalité et d’événements péjoratifs, notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisation et d’entrée en institution. L’âge est un déterminant majeur de fragilité mais n’explique pas à lui seul ce syndrome. La prise en charge des déterminants de la fragilité peut réduire ou retarder ses conséquences. Ainsi, la fragilité s’inscrirait dans un processus potentiellement réversible.
Il appartient à la Dr Linda P. Fried d’avoir intégré la fragilité au sein d’une modification du métabolisme énergétique, et d’en rendre possible le dépistage en l’absence de référence aux comorbidités ou à une prise en charge sanitaire (4). La fragilité est alors devenue une donnée majeure du pronostic du sujet âgé issu de la population générale. Elle peut ainsi être évaluée sur la perte de poids non intentionnelle du patient, supérieure ou égale à 4,5 kg dans la dernière année, la diminution de la force de préhension, une mauvaise endurance ou une fatigue rapportée par le patient, la diminution de la vitesse de marche et la sédentarité.
D'après une communication de Laura Bertrand (Toulouse)
(1) Gueyffier F et al. Lancet 1999; 353(9155):793-6.
(2) Beckett NS et al. N Engl J Med 2008;358(18):1887-98.
(3) Benetos A et al. Hypertension 2016;67(5):820-5.
(4) Fried LP et al. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2001;56(3):M146-56.
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