Deuxième cause d’œsophagite chronique après l’œsophagite peptique, et première cause de dysphagie chez l’adulte jeune, l’œsophagite à éosinophiles (OeE) souffre encore d’un retard au diagnostic de plusieurs années, associé à de fréquentes complications fibrosantes. « Il faut y penser devant une dysphagie initialement peu sévère, qui risque de passer inaperçue car les patients se plaignent peu. Ils s’y habituent et mettent en place des stratégies diverses (morceaux coupés plus petits, gorgées d’eau fréquentes, etc.) », indique le Pr Frank Zerbib (CHU Bordeaux), premier auteur des recommandations pour la prise en charge des œsophagites à éosinophiles chez l’adulte, qui viennent d’être publiées par la Société nationale française de gastro-entérologie (SFNGE).
Certains patients évoquent bien avoir l’impression que des aliments « passent mal ». « Ils se voient parfois répondre que c’est lié au stress, alors que c’est impossible. C’est pourquoi cette plainte doit systématiquement conduire à une endoscopie, avec six biopsies dans deux sites différents de l’œsophage, même si ce dernier semble normal », insiste le Pr Zerbib.
Une plainte de dysphagie chez l’adulte jeune doit systématiquement conduire à une endoscopie avec six biopsies
Environ 20 000 à 25 000 Français seraient concernés, et cette prévalence augmente. Il s’agit d’une allergie non-IgE médiée, rendant les tests allergologiques classiques sans intérêt (lire encadré).
Identifier les aliments responsables : pas si simple !
Pour identifier le ou les aliments en cause, il n’y a pas d’autre choix que de faire des régimes d’exclusion d’un ou deux groupes d’aliments sur les six familles potentiellement en cause que sont le blé, les produits laitiers, les crustacés et les poissons, le soja et les légumineuses, les fruits à coque, les œufs.
On commence en général par exclure les deux principaux groupes d’aliments incriminés (produits laitiers et blé) pendant six semaines. Si, à la biopsie, on ne retrouve plus d’éosinophiles, c’est la preuve que ce qui a été exclu était bien responsable de la maladie. « Pour identifier lequel des deux, on réintroduit par exemple les produits laitiers, on refait les biopsies six semaines après. Puis on réintroduit le blé et on refait encore les biopsies six semaines après. Il n’y a pas d’autres moyens d’identifier les aliments en cause. Une fois trouvé(s) et le régime d’exclusion bien respecté, alors il n’y a plus lieu de traiter, mais ce n’est pas le cas le plus fréquent », indique le Pr Zerbib.
Trois lignes médicamenteuses
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) – l’équivalent d’oméprazole 20 mg deux fois par jour – sont indiqués en première intention. Ils permettent d’obtenir une rémission clinique et histologique dans la moitié des cas environ.
La réponse histologique est définie par un nombre d’éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne inférieur à 15 par champ à fort grossissement (ou < 60/mm2). « L’éosinophilie œsophagienne est un biomarqueur de l’activité de la maladie », souligne le Pr Zerbib.
En deuxième ligne de traitement, le budésonide orodispersible est prescrit à 1 mg x 2/j en traitement d’attaque pendant 8 à 12 semaines puis, après évaluation clinique et histologique, à demi-dose en traitement d’entretien. La première prescription ne peut se faire que par un hépato-gastroentérologue. Les effets indésirables sont principalement des candidoses buccales et œsophagiennes, observées dans 10 à 15 % des cas, cependant elles ne justifient pas l’arrêt du traitement.
« On ne sait pas exactement quand arrêter le traitement, en raison du risque élevé de récidive. Le contrôle endoscopique reste de toute façon indispensable car il n’y a pas forcément de corrélation entre la clinique et l’histologie », explique le Pr Zerbib.
Le suivi au long cours n’est pas non plus bien codifié : il faut s’adapter au cas par cas, en fonction des patients, tout en sachant que l’inobservance est relativement fréquente.
Quant au dupilumab, il a obtenu une AMM européenne mais est encore en attente de remboursement en France : il interviendrait en troisième ligne.
Dilatations avant la sténose
« La rigidité de l’œsophage est volontiers sous-estimée lors d’une endoscopie, ce qui induit le risque de passer à côté d’une sténose. Il faut l’envisager en cas d’échec du traitement médical chez un patient observant et ne pas hésiter à faire des dilatations, à la bougie ou au ballon hydrostatique, pour aboutir à un diamètre entre 15 et 18 mm (mais sans progresser de plus de 3 mm par séance). Une sténose peut ne pas régresser avec le traitement médical. C’est aussi pour cette raison qu’il ne faut pas hésiter à dilater devant une réduction de calibre de l’œsophage, même sans sténose associée », insiste le Pr Zerbib.
Entretien avec le Pr Frank Zerbib (Bordeaux)
Article précédent
L’éradication du VHC stagne
Article suivant
Vers la fin des tests respiratoires pour les troubles fonctionnels ?
Éditorial des Prs Sabine Roman (secrétaire générale de la SNFGE) et Christophe Cellier (président de la SNFGE) : « L’innovation au cœur de l’hépato-gastroentérologie »
La transplantation pour métastases du cancer colorectal : un nouvel espoir thérapeutique
La dissection sous-muqueuse endoscopique validée en France
Cancers colorectaux : les patients doivent bénéficier de la recherche MSI
Naissance du dépistage du cancer de l’anus
L’éradication du VHC stagne
Des recommandations pour l’œsophagite à éosinophiles
Vers la fin des tests respiratoires pour les troubles fonctionnels ?
Maladie cœliaque : pourra-t-on sortir du sans gluten ?
Crohn : à la recherche des séquences thérapeutiques
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?