« Pour vivre une vie équilibrée, en limitant les risques de burn out, d’erreurs médicales, de plaintes de patients, de pathologies induites par le stress, d’addiction ou d’alcoolisme, le médecin doit avant tout savoir s’assumer comme soignant. Pour cela, il est essentiel qu’il se positionne en sachant dire non, en restant à sa place et en assumant l’imperfection de son travail et la complexité de la médecine en général », analyse le Pr Éric Galam.
Ce professeur de médecine générale installé à Paris depuis 1982 est actuellement un élément moteur de la réflexion sur le burn out des soignants et sur la place du médecin-malade en France. Dès 1986, il s’est interrogé sur sa pratique médicale quotidienne et il a coordonné la publication du livre « Infiniment médecin. Les généralistes entre la science et l’humain » (Éditions Autrement). « Il faut dire que depuis le début de ma carrière je me pose sincèrement la question : comment peut-on accepter de s’impliquer dans des choses qui nous dépassent et touchent à la vie et à la mort ? », explique le Pr Galam au « Quotidien ».
Dédramatiser et travailler ses erreurs
Le Pr Galam s’est intéressé à l’erreur médicale et anime un DU de « Droit médical et gestion des risques ». Il a créé l’association de FMC REPERES pour « développer la compétence humaine du médecin » et a participé à l’émergence de la discipline de Médecine Générale au sein de la faculté de Paris VII.
« C’est en animant des séminaires sur "Dédramatiser et travailler nos erreurs" que nous avons compris que la notion d’échange autour de cas cliniques était essentielle pour les médecins généralistes libéraux, enfermés bien souvent dans une pratique trop individuelle. J’ai naturellement accepté d’exposer ma pratique au regard de jeunes confrères en accueillant dès 1999 des internes en médecine générale à mon cabinet. J’acceptais ainsi de dévoiler mon "intimité professionnelle" à des personnes qui allaient pouvoir apprécier et juger mes décisions, mon comportement, mes incomplétudes, mes doutes et mes erreurs. »
Le Pr Galam a, par la suite, accompagné la rédaction de traces d’apprentissage par les internes en insistant notamment sur les récits de situations complexes authentiques. Depuis dix ans, il dirige des thèses sur l’erreur médicale, le burn out et plus récemment sur le « médecin en tant que patient ».
L’erreur médicale, facteur déclenchant du burn out
En 2012, il a publié aux Éditions Springer « L’erreur médicale, le burn out et le soignant : de la seconde victime au premier acteur », fruit de son expérience d’accompagnement de confrères en situation de burn out dans les suites d’une erreur médicale.
Il explique au « Quotidien » que « l’erreur est humaine, même celle du médecin puisque la médecine n’est pas une science exacte mais une activité à risque. Le risque zéro n’existe pas mais on peut s’efforcer d’y tendre de manière asymptotique. Il est plus rentable de gérer l’imperfection que de rechercher une illusoire perfection absolue. L’analyse systémique d’un événement indésirable ou d’une erreur et l’apprentissage qui en résultent sont plus rentables humainement et socialement que la sanction des individus concernés. Pour réaliser au mieux sa fonction, le médecin doit s’insérer dans une collectivité consciente de l’importance et de la complexité des soins qu’il dispense. C’est aussi un médecin présent et à sa juste place. Et pour cela, c’est un médecin vivant, c’est-à-dire à la fois faillible et fiable, imparfait et perfectible, utilisable et respectable et enfin vulnérable et précieux ».
Éviter l’évitable pour ne pas être démuni
Le Pr Galam travaille aussi depuis quelques années sur la question de la place du médecin en tant que patient et il a déjà dirigé deux thèses sur le sujet. « La question du "médecin-malade" nous interpelle sur notre propre santé, sur les soins que l’on peut proposer à nos confrères malades et sur notre accomplissement en tant que médecin. Pour "éviter l’évitable", le soignant doit savoir gérer son temps, son cabinet, ses intérêts, sa protection sociale, ses investissements et sa santé en se gardant si possible de l’automédication. Mais il doit aussi se respecter en tant que personne (détente, hygiène de vie) et ne pas vivre que "comme médecin". Prévoir doit aussi être un axe important de sa vie puisque souvent ce sont des événements plus ou moins prévisibles qui vont déclencher un mal-être et un risque de perte de repères : maladie somatique, plainte de patients, violence, insécurité, conflits conjugaux ou familiaux en raison du surinvestissement au travail… Et pour ne pas de trouver démunis – matériellement et financièrement – sans remplaçant, sans indemnités journalières en raison des délais de carence, sans aide en cas de judiciarisation et sans possibilité de reconversion, il est important de connaître les dispositifs d’aide avant même d’y avoir recours. Parce que quand le problème survient c’est bien souvent trop tard… ».
Formation spécifique à la prise en charge des confrères malades
Aujourd’hui, outre son implication dans l’association AAPML, sa participation au travail de la HAS pour la mise en place de Revues de Morbi-mortalité (RMM) en médecine générale, le Pr Galam milite pour la mise en place de formations spécifiques de « soignants de soignants ». « On ne prend pas bien en charge ses confrères si on ne réfléchit pas à ce que leur maladie va nous renvoyer. Ils doivent être des patients – exigeants bien sûr – et nous des soignants. Enfin la question du paiement des actes ne doit pas être dissimulée : il faut payer les soignants de soignants et je pense même qu’il faut les payer plus cher s’ils ont suivi une formation spécifique », conclut le Pr Galam.
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