Inutile de demander aux Français ce qu’ils retiennent de 2021. La réponse est simple, c’est la même que l’an passé : la crise sanitaire. Cette année n’a pas été, chez nos concitoyens, celle de la respiration et du regain de sérotonine, mais plutôt de la hausse de la demande de prise en charge psychologique.
Entre janvier et avril, « les demandes de soins pour stress, troubles anxieux ou dépressifs restent plus soutenues qu’avant l’épidémie de Covid-19 : 72 % des généralistes estiment qu’elles sont plus fréquentes qu’à l’ordinaire », a rapporté la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans différents travaux au cours de l’année.
Mais Coralie Gandré, chargée de recherche à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), tient à préciser : « L’augmentation des troubles psychiques existait aussi avant la pandémie ; il ne faut pas tout mettre sur le dos du Covid-19 ! »
Les généralistes « mal formés en psychologie »
Grâce aux données de remboursement de l’Assurance maladie, la Drees a également pu constater « une forte augmentation de l’usage de médicaments antidépresseurs, anxiolytiques et hypnotiques ». Entre janvier et avril 2021, le nombre de patients « prenant ce type de traitement pour la première fois depuis un an » est passé « de 15 à 26 % pour ces trois classes de médicaments par rapport à l’attendu estimé en fonction des consommations des années précédentes ».
Coralie Gandré commente : « les généralistes prescrivent des antidépresseurs car ils sont mal formés en psychologie. Pour la dépression, notamment, la Haute Autorité de la santé recommande la psychothérapie plutôt que les médicaments. »
Par ailleurs, une grande enquête a été menée depuis le début de l’épidémie par Santé publique France, sous le nom de CoviPrev, pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale des Français. 10 % des personnes interrogées déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année – chiffre deux fois plus élevé qu’avant la crise.
Mais c’est l’évolution des troubles du sommeil qui est la plus parlante : les répondants, au début de l’automne, ont été 11 % de plus que cet été à déclarer avoir eu des problèmes de sommeil au cours des huit derniers jours. Si bien qu’à l’heure actuelle, 70 % des Français seraient confrontés à ce genre de troubles, contre 50 % hors crise sanitaire.
Une prise de conscience du politique
Entre le 28 septembre et le 5 octobre, un peu moins de 80 % des Français déclarent avoir « une perception positive de leur vie en général », soit cinq points de moins que ce qui avait été enregistré par le Baromètre santé 2017.
Pour l’universitaire, « il y a quelque chose de positif dans le fait qu’on parle de santé mentale. C’est également intéressant de remarquer l’approche du gouvernement, qui a détaillé ses orientations en 2018, lesquelles n’étaient pas ambitieuses. À la faveur de la crise, ils ont repensé leur stratégie et dès novembre 2020, Jérôme Salomon, directeur de la Direction générale de la santé, a commencé à donner des chiffres sur la santé mentale des Français. »
Jusqu’aux Assises de la santé mentale. « La prise de conscience du politique s’est aussi ressentie dans le dossier de presse des Assises : de nombreux ministères comme ceux du handicap, de l’enfance, de l’emploi, ont signé (sa) préface ; preuve que les réponses sont bien multisectorielles », conclut la chercheuse de l’Irdes.
Des mesures prises pour réagir
Face à l’impact de la crise sur le mental des Français, le gouvernement est passé aux actes lors de la dernière loi de financement de la Sécurité sociale : dès 2022, les consultations de psychologue seront remboursées par l’Assurance maladie pour tous, dès l’âge de 3 ans, sur prescription médicale, à hauteur de 40 euros pour la séance de bilan et 30 euros pour les consultations suivantes ; le tout dans le cadre d’un forfait renouvelable.
Dans le même temps, 800 postes (psychologues, psychiatres, infirmiers, orthophonistes) seront créés dans les centres médico-psychologiques (CMP). L’enveloppe annoncée est de 80 millions d’euros dans le cadre du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4). Un numéro national de prévention du suicide (31 14), disponible 7 jours/7 et 24 heures/24, est également entré en fonctionnement fin septembre.
Mais, selon Coralie Gandré, « les oubliés de ces mesures-là restent les troubles psychiques sévères, de type psychotiques et bipolaires ».
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