Des données préliminaires l’avaient suggéré l’année dernière, de nouveaux chiffres publiés en 2021 l’ont confirmé : en France, la crise sanitaire a fortement impacté l’incidence de nombreuses maladies infectieuses.
L’hiver dernier (2020-2021), les virus saisonniers habituels ont en effet très peu circulé en France, à l’instar de la grippe qui n'a jamais atteint le stade pré-épidémique en métropole. De même, une forte réduction du nombre de cas de gastro-entérite a été enregistrée. Et si la bronchiolite a fini par arriver, du moins dans certaines régions, c’est avec un important retard par rapport aux années précédentes.
Mais d’autres maladies infectieuses très surveillées sont également concernées. C’est le cas de la rougeole, pour laquelle près de 10 fois moins de cas qu’en 2019 ont été observés. De même, Santé publique France a fait état, début décembre, d’une chute très significative (- 10 % entre 2020 et 2019) de l’incidence de la tuberculose dans l’Hexagone.
À l’origine de ces statistiques inhabituelles : les restrictions implémentées en 2020, qui ont pu directement freiner la circulation des agents pathogènes.
Cependant, la crise sanitaire a aussi pu limiter le recours au système de santé et ainsi les opportunités de diagnostic. C’est par exemple le cas pour le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST). De fait, si le nombre de découvertes de séropositivité a chuté de 22 % en 2020 par rapport à 2019, le dépistage du VIH a également reculé de 14 % entre les deux années. Une dynamique en partie due à la fermeture des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) au printemps 2020, explique le Pr Tattevin, président de la Société de Pathologie infectieuse de langue française.
Si bien que les conséquences du Covid-19 sur les autres maladies infectieuses pourraient ne pas s’avérer si bénéfiques.
En effet, qui dit retard de diagnostic dit propagation accrue des pathogènes. Par exemple, en matière d’infections sexuellement transmissibles, « les chaînes de transmission ont pu rester actives pendant plus longtemps », déplore le Pr Tattevin. Concernant la tuberculose, cette éventualité apparaît d’autant plus inquiétante que, selon Jean-Paul Guthmann, épidémiologiste et coordinateur du programme de surveillance de la tuberculose à Santé publique France, des « mini-clusters familiaux de tuberculose » ont pu être favorisés par le confinement « en raison de la proximité entre les individus dans un même foyer ». À noter en outre la diminution des vaccinations au printemps 2020, qui pourrait favoriser la résurgence de certaines maladies.
Mais surtout, à une échelle plus individuelle, cette diminution du recours aux soins pourrait se solder par des pertes de chances, les pathologies étant prises en charge à un stade plus avancé, voire insuffisamment traitées.
À ce titre, si une baisse sans précédent de près de 20 % de l’utilisation d’antibiotiques en ville a été enregistrée, cet apparent progrès pour la lutte contre l’antibiorésistance pourrait ne pas être une si bonne nouvelle. Car le phénomène pourrait témoigner, comme le pointe Santé publique France, de « non-prescriptions alors qu’une antibiothérapie eût été justifiée ». Ou « à une moindre demande de gestes chirurgicaux », ajoute Pierre Tattevin.
Quoi qu’il en soit, cet hiver, l’épidémiologie des maladies infectieuses semble se normaliser, avec le retour de la bronchiolite et de la grippe.
La lutte contre le paludisme freinée par le Covid
Si, en France, la crise sanitaire s’est globalement soldée par un recul des pathologies infectieuses, d’autres pays ont au contraire dû faire face à une recrudescence de certaines épidémies. À l’instar du paludisme, « alors même que des progrès avaient dernièrement été réalisés », déplore le Pr Tattevin. Selon un récent rapport de l’OMS, l’infection à Plasmodium a en effet été en 2020 à l’origine de 14 millions de cas et 69 000 décès de plus qu’en 2019, ce qui « peut s’expliquer par l’arrêt des programmes de lutte pendant un an », affirme l’infectiologue.
Mais d’autres fléaux ont également pu être renforcés, à l’instar du VIH ou de la tuberculose. « Concernant le VIH, de nombreux centres n’ont pas pu continuer d’accueillir des patients en raison des baisses des soutiens internationaux pendant la crise, et la tuberculose a sans doute été moins diagnostiquée, donc moins traitée, à cause du détournement complet de nombreux laboratoires vers les tests Covid », explique le Pr Tattevin.
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