De l’étude de Santé publique France, qui suggère qu’en France, près de 40 000 décès par an seraient attribuables à la pollution atmosphérique, à l’expertise collective de l’Inserm, précisant les risques liés à certains pesticides, l’année 2021 a confirmé à plusieurs reprises – s’il en était encore besoin –, l’impact de l’environnement sur la santé. Mais, pour un praticien de terrain, comment passer du constat à l’action ? Peut-on d’ores et déjà mener des interventions ou donner des conseils de prévention en santé environnementale étayés par la littérature ?
Plusieurs initiatives commencent à aller dans ce sens. Par exemple, la Haute Autorité de santé devrait publier en 2022 des recommandations dédiées aux professionnels de santé et qui précisent la conduite à tenir en cas de pic de pollution atmosphérique (adaptation des activités, adaptation des traitements en cas d’affections chroniques, suivi et surveillance), notamment pour les patients les plus fragiles.
La santé périnatale et les risques potentiels liés à l’environnement (perturbateurs endocriniens, iatrogénie, alimentation) pour la femme enceinte et son futur enfant font aussi l’objet de préconisations. Dans un document dédié à la santé planétaire (voir encadré), le Collège de la médecine générale liste ainsi un ensemble de conseils à partager avec les futurs jeunes parents.
Connaître les expositions à risque d’un territoire donné
Au-delà de ces grands champs, le Dr François Carbonnel, secrétaire général adjoint du CNGE et maître de conférences à la faculté de médecine Montpellier-Nîmes, plaide pour une approche populationnelle qui permette à un praticien installé dans un territoire donné de se centrer sur les expositions à risque propres à son lieu d’exercice. « Quand on travaille auprès d’une population, on doit être sensibilisé aux déterminants de santé et aux caractéristiques de cette population, défend ce généraliste de Perpignan à l’origine du projet de formation Spes (Soins primaires Environnement & Santé). Cela revient à faire enfin du lien entre la santé publique et la santé clinique ». Concrètement, pour identifier les risques potentiels pour ses patients, « on peut partir, par exemple, des diagnostics réalisés dans le cadre des 3es plans régionaux de santé environnementale mais aussi des outils cartographiques à notre disposition (type rezone, geodes, etc.) ». Sous peine, sinon, de méconnaître certains diagnostics. « Dans mon territoire, si l’on ne sait pas qu’il existe un risque d’intoxication aux métaux lourds dans le centre de Perpignan, on risque de passer à côté d’un certain nombre de cas de saturnisme », illustre le Dr Carbonnel.
Au-delà de cet enjeu de repérage, « il y a aussi un enjeu de connaissance » sur les risques liés aux substances. D’où « l’intérêt de la formation ». Le Dr Carbonnel souligne aussi l’importance du signalement : « Si l’on observe qu’il y a telle ou telle pathologie par rapport à telle ou telle exposition locale, il faut pouvoir le faire remonter. » À ce titre, le site signalement-sante.gouv.fr aurait évolué pour « que l’on puisse justement faire remonter des risques sanitaires plus généraux et notamment environnementaux ». Le généraliste pointe enfin la nécessité de connaître les leviers institutionnels et les interlocuteurs de sa région à même d’intervenir sur ces questions.
Autant d’éléments abordés dans le programme Spes. Proposé initialement en formation initiale dans la région Occitanie, ce dernier devrait, à l’initiative du CNGE, être décliné ailleurs par d’autres universités, mais aussi transposé en programme de DPC.
Quand les intérêts de la planète rejoignent ceux du patient
Au-delà des questions de santé environnementale, la santé planétaire – prenant à la fois en compte l’impact de l’environnement sur la santé mais aussi la dimension écologique des comportements médicaux – tend à se faire une place en médecine générale. Le Collège de la médecine générale compte ainsi désormais un groupe de travail dédié qui a publié en juillet une fiche pratique portant sur ces questions.
Le document met notamment l’accent sur les co-bénéfices, pour la santé humaine et l’environnement, de certains comportements. Par exemple, « encourager nos patients à marcher davantage ou à faire du vélo, cela permet non seulement d’augmenter leur activité physique et diminuer leur sédentarité, d’où un impact sur la santé cardiovasculaire et métabolique, mais aussi de limiter la pollution de l’air, le changement climatique… », illustre le Dr Gaspard Prévot (Strasbourg), membre du groupe de travail. Autre exemple : la prescription raisonnée de médicaments, qui permet à la fois de limiter les effets indésirables pour le patient et l’environnement. « Même si cela ne change pas forcément la démarche clinique, cela peut être un argument de plus pour le patient comme pour le médecin. »
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