Cancer du sein de la femme jeune

Comment vivre après

Publié le 11/10/2011
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QUELQUE que soit l’âge, l’annonce du cancer est un tremblement de terre qui, comme le souligne le Dr M. Espié, fait basculer la femme dans un monde sans insouciance où elle se retrouve seule. Après l’annonce, elle va être entraînée dans un tourbillon d’examens et de traitements qui, souvent, ne lui laissent pas le temps de réfléchir. Elle est aidée au long de ce parcours par de nombreux professionnels, depuis son médecin traitant jusqu’au nutritionniste, en passant par le chirurgien, l’oncologue, le kinésithérapeute, l’infirmier et le psychologue.

Elle va ainsi connaître souvent la chimiothérapie néoadjuvante, avant la chirurgie (et ce d’autant que les cancers à cet âge sont souvent inflammatoires), puis la chimiothérapie adjuvante après la chirurgie et la cobaltothérapie. Une hormonothérapie sera associée si la tumeur contient des récepteurs aux estrogènes ou à la progestérone. Une thérapie ciblée sera prescrite s’il existe une surexpression de la protéine HER2 au sein de la tumeur. Les schémas thérapeutiques correspondent à la recommandation de l’axe IV du plan cancer : il faut garantir à chaque patiente un parcours de soin personnalisé et efficace afin de lui assurer à la fois, les meilleures chances de survie voire de guérison dans un contexte de maintien de qualité de vie.

Fertilité, désir d’enfant, avenir professionnel

« Toi tu t’imagines ma douleur… Moi, je l’éprouve… » (Sophocle). Une citation qui rend bien compte de cette problématique particulière du cancer du sein chez une femme jeune. Le Dr L. Vanlemmens (Lille) a présenté les particularités du suivi de ces patientes atteintes de plus en plus jeunes, aux alentours de la quarantaine. Comment le couple va-t-il survivre à toutes ces épreuves ? Leurs problèmes sont spécifiques : fertilité, désir d’enfant, vie professionnelle. Le conjoint n’a pas seulement un rôle du soutien, il va lui aussi être ébranlé par l’épreuve. Il se plaint d’ailleurs très souvent d’être fatigué. Les enquêtes montrent que sa santé et sa vitalité sont moins bonnes que celles des conjoints de femmes en bonne santé.

Le Dr Vanlemmens a présenté les résultats d’une étude sur la qualité de vie des femmes ayant eu un cancer du sein avant 45 ans et vivant en couple depuis au moins 6 mois au début de leur maladie. Soixante-neuf couples pris en charge aux CHU de Lille et de Caen ou à l’IGR ont été sélectionnés sur la base du volontariat. Huit sur dix évoquent l’impact de la maladie sur la vie du couple, mais la perception est différente selon les hommes ou les femmes. L’épreuve va souvent souder ce couple, mais parfois l’homme se sent impuissant. Il voudrait mieux faire, mais ne sait pas comment. Pour elle, comme le précise M. Espié, c’est le regard de l’autre qui est difficile à soutenir. Elle a changé ; d’ailleurs, elle n’ose même plus se regarder elle-même. L’hormonothérapie lui prouve que tout n’est pas fini, alors que pour lui le plus dur est passé.

Si, dans la majorité des cas, l’entourage, la famille, les amis, sont présents tout au long de la maladie, après le traitement, le soutien attendu ne vient pas… « Tu vois, c’est fini maintenant, tu n’es pas morte… Pense à autre chose. » Mais, ce comprimé à prendre chaque jour pendant 5 ans ou le prêt que sa banque lui a refusé lui rappellent que ce n’est pas terminé.

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre

Ce cancer a parfois des effets positifs dans la gestion de la vie « d’après » pour la femme qui, de toute façon, ne peut redevenir « la même ». Elle relativise davantage, remet les choses à leur place, accorde une place plus importante à sa famille. Mais la peur de la récidive est toujours présente, plus même que pendant le traitement. C’est une épée de Damoclès. Elle va vivre, au rythme des contrôles qu’elle attend et qu’elle redoute. Le problème est réel en cas de désir d’enfant.

Cette étude a un biais puisqu’elle ne concerne que des couples volontaires dont un seul était séparé. Mais elle soulève les mêmes problèmes que ceux abordés par Marc et Natacha Espié. L’annonce du cancer fait surgir la peur de la mort chez ces jeunes femmes, leur angoisse sera toujours présente et la fin du traitement, elles le savent, n’est pas la fin du cancer. Elles savent qu’elles ne seront jamais plus comme avant. Leur corps a changé. Quelle soit contemporaine ou à distance de la chirurgie, l’éventuelle reconstruction du sein jouera un rôle important dans leur propre reconstruction, à condition qu’elles aient accompli un véritable travail de deuil du sein perdu. La reconstruction immédiate évite le fantôme du trou dans le corps, mais n’efface pas le sentiment de perte. Elles ne sont et ne seront ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait une autre. Elles sont persuadées de ne plus inspirer de désir à leur conjoint, cet autre qui a peur de toucher un corps blessé et de lui faire mal, lui qui ne sait plus comment parler à cette femme qu’il aime. Il faut aussi parler aux enfants et leur expliquer la maladie avec des mots adaptés en fonction de leur âge : attention, ils perçoivent le désarroi et l’angoisse de leur mère et peuvent y réagir de façon violente voire inattendue.

*Association francophone de l’après cancer du sein, qui a pour but les formations des médecins, en particulier des gynécologues, dans le suivi des patientes ayant eu un cancer du sein

 Dr L. M-S

Source : Le Quotidien du Médecin: 9022