Sexualité des adolescents

Des épisodes brefs et espacés

Publié le 11/10/2011
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LE Dr Marie Veluire (Paris) a commencé par montrer les paradoxes caractérisant les personnalités des adolescents. Décalage entre maturité physique et psychologie affective, entre le sentiment d’invulnérabilité et le manque de confiance en soi, entre le désir de « tout de suite, maintenant » et la difficulté d’anticiper !

L’étude la plus exhaustive du comportement des adolescents face à la sexualité est l’analyse du comportement sexuel des jeunes (l’ACSJ, avril 1995) qui a colligé les données de 6 132 questionnaires de jeunes entre 15 et 18 ans collectés dans 224 établissements. L’enquête Analyse des comportements sexuels en France (ACSF, 2006) est la plus complète et a été publiée en 2008 par N. Bajos (INSERM).

Ces études montrent combien, en cinquante ans, la vie sexuelle des adolescents a changé, plusieurs facteurs rentrant en ligne de compte. Le contrôle parental a évolué, il n’y a pratiquement plus d’interdiction stricte de sortie !

L’âge des premières règles n’a pratiquement pas bougé (de 13 ans et 5 mois à 13 ans et 2 mois).

Le premier baiser a lieu 3 ans plus tôt aussi bien chez le garçon que chez la fille (14 ans en moyenne).

Premier rapport : 17 ans en moyenne chez les 2 sexes.

L’âge du premier rapport lui aussi a diminué. Dans les années soixante, il était de 19 ans pour les hommes, plus de 20 ans pour les femmes ; il est actuellement pratiquement identique chez les deux sexes à environ 17 ans. À 15 ans, les filles démarrent le « flirt », mais seulement un tiers d’entre elles ont des pratiques sexuelles, dont 20 % avec pénétration. À 18 ans, chez les deux sexes, trois quarts ont des pratiques sexuelles, dont la majorité avec pénétration. Il est intéressant de noter que les jeunes étudiants dans les filières professionnelles sont plus précoces (premier rapport avant 15 ans pour la majorité d’entre eux), versus ceux des filières générales et techniques.

Les « ébats » se passent de nos jours, le plus souvent au domicile et non plus en plein air, dans une voiture ou dans un lieu « prêté ».

La relation sexuelle a lieu de plus en plus avec un partenaire du même âge, la fille ayant encore légèrement tendance à choisir un partenaire plus âgé.

Il est intéressant de constater l’augmentation des partenaires multiples pour les hommes dès l’âge de 15-16 ans : 35 % évoluant vers plus de 50 % à 18 ans, et pour les filles de 24 à 40 %.

Au moment de l’enquête, sans tenir compte de l’âge, 40 % des hommes et 27 % des femmes avaient eu plusieurs partenaires.

La première relation dure moins d’un mois, plus d’un tiers des jeunes filles n’attend pas le deuxième mois pour récidiver, alors que le garçon dans 58 % recommence de six mois à un an après.

La sexualité des adolescents est donc faite d’épisodes brefs et espacés. Il faut en tenir compte dans la décision concernant les IST et la contraception.

Le préservatif adopté par tous.

La contraception est bien ancrée dans leurs préoccupations. M. Valuire a évoqué l’étude de l’INSERM publiée par Godeau (Gyn Obst Fertilité, 2 008 ; 36 (2) : 176-82). Il s’agit d’une enquête effectuée chez des collégiens de 11 à 15 ans. Ceux de 15 ans avaient été interrogés sur leur sexualité ; 26.9 % d’entre eux avaient des relations sexuelles (hommes : 32 %, femmes 21,6 %) ; 90,8 % d’entre eux avaient utilisé une contraception lors du dernier rapport sexuel ; 85 % un préservatif, 20 % une pilule œstroprogestative, 15 % les deux, mais 9,7 % n’avaient pas utilisé de méthode contraceptive.

Avant le rapport, 70 % des filles abordent le problème de la contraception contre seulement 50 % des garçons, 47 % des filles parlent IST contre 40 % des garçons.

La responsabilité en ce domaine pèse plus sur la femme. Que les rapports soient précoces ou tardifs d’ailleurs (après 20 ans), l’utilisation du préservatif est rentrée dans les mœurs. Contrairement aux États-Unis, il n’y a pas d’influence du milieu social.

Si l’on se réfère aux partenaires multiples, le début précoce de l’activité sexuelle est très souvent responsable de la multiplication de partenaires, 27 % des filles ayant un premier rapport sexuel précoce auraient plus de 10 partenaires, contre 5 % en cas de rapport sexuel tardif après 20 ans. Le nombre de jeunes ayant eu dans l’année plusieurs partenaires est en augmentation. Les recommandations pour l’âge de vaccination anti-HPV et des dépistages des IST doivent tenir compte de ces données.

 Dr L. M.-S.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9022