De nombreuses personnes atteintes de prédiabète évoluent vers le diabète de type 2 (DT2), ce qui pourrait être évité par une modification précoce du mode de vie et/ou des médicaments. Mais les critères utilisés actuellement pour les repérer sont discordants, non physiologiques, et cela peut retarder le diagnostic et l’intervention précoce sur la dysglycémie. Ainsi, l’Association américaine du diabète (ADA) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne retiennent pas les mêmes seuils de glycémie à jeun (GAJ) ni la même valeur diagnostique de l’HbA1c.
Par ailleurs, la seule GAJ ne permet pas de dépister précocement l’intolérance au glucose. Le diagnostic requiert donc une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) à deux heures, qui est actuellement considérée comme normale en dessous de 1,4 g/l, la mauvaise tolérance au glucose étant retenue entre 1,4 et 2 g/l. « Mais ces normes semblent supérieures aux chiffres témoignant d’une diminution de la sensibilité au glucose et à l’insuline. Nous devons donc identifier un nouveau biomarqueur afin de pouvoir détecter les individus à haut risque, plus tôt que nous ne pouvons le faire actuellement », explique le Pr Michael Bergman (New York, États-Unis), coprésident du groupe d’experts de la Fédération internationale du diabète (IDF) qui a publié sa position à ce sujet lors du congrès (1).
Une excellente valeur prédictive
De nombreuses données épidémiologiques ont confirmé la valeur supérieure de l’HGPO à une heure par rapport à la GAJ, l’HbA1c et l’HGPO-2H, quels que soient l’âge, le sexe ou l’ethnie. Les travaux antérieurs, comme l'étude San Antonio Heart réalisée il y a vingt ans, montraient déjà qu’une HGPO-1H à 1,55 g/l avait une bien meilleure valeur prédictive sur le risque de survenue d’un DT2 dans les huit ans.
Pour l’IDF, chez des personnes dont la GAJ est normale, un seuil de glycémie > 1,55 g/l (8,6 mmol/L) à l’HGPO-1H est un excellent marqueur pour détecter celles susceptibles de progresser vers le DT2. Il permet aussi de détecter le risque de complications micro- et macrovasculaires, de syndrome d'apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAOS), de stéatose hépatique d’origine métabolique et de surmortalité. Le seuil de 2,09 g/l (11,6 mmol/L) a été retenu pour le diagnostic de DT2. Globalement, ce critère permettrait de diagnostiquer les perturbations hyperglycémiques de deux à quatre ans avant l’apparition du DT2.
Le seuil de glycémie supérieur à 1,55 g/l à l’HGPO-1H permet de détecter le diabète deux à quatre ans avant son apparition
Il existe, de plus, des preuves biologiques montrant qu’une HGPO-1H élevée, alors que la GAJ et l’HGPO-2H sont normales, est associée à une inflammation et à des atteintes subcliniques de différents organes, avec une détérioration des profils métaboliques et athérogènes. Ces dernières pourraient expliquer le risque accru de maladies cardiovasculaires et de mortalité.
Dans le Malmö Preventive Project, une HGPO-1H élevée expose, dans les trente-neuf ans suivants, à un risque accru de rétinopathie diabétique ainsi que de complications vasculaires périphériques.
Hyperglycémie intermédiaire
L’HGPO-1H s’est ainsi avérée être un biomarqueur plus sensible pour l’identification plus précoce des personnes à haut risque, avant l’apparition du prédiabète, tel que défini par les critères actuels.
Le dosage de la glycémie à une et deux heures permettrait aussi de stratifier plus précisément le risque, en fonction de l’existence d’une hyperglycémie intermédiaire (HI) ou d’un prédiabète. Ainsi, chez les personnes ayant une glycémie à deux heures < 1,40 g/l (un chiffre normal selon les critères actuels), certains peuvent avoir à une heure une glycémie > 1,55 g/l, ce qui, selon le nouveau concept, définirait l’HI. Le prédiabète étant retenu pour une glycémie > 1,4 g/l à deux heures.
« Ce qui est important, c’est que ceux ayant à la fois une glycémie > 1,55 g/l à une heure et > 1,4 g/ à deux heures seraient exposés à un risque supérieur d'évolution vers des complications et une surmortalité que ceux ayant une glycémie élevée seulement à une heure », insiste le diabétologue.
Enrayer l’évolution vers le diabète
Le recours à l’HGPO-1H permettrait d’inclure de nombreuses personnes supplémentaires dans des programmes de prévention du diabète. Une glycémie élevée sur l’HGPO-1H témoigne déjà d’un déclin des cellules bêta, avec une moindre sensibilité à l’insuline, alors même que la GAJ est normale. Elle constitue donc une nouvelle cible de prévention et doit être identifiée, avant l’évolution vers le prédiabète.
Pour le Pr Bergman, « de nombreuses personnes ne seraient pas diagnostiquées par une GAJ ou l’HbA1c, mais seraient plus susceptibles d'être repérées avec une HGPO. Cela permettrait de détecter plus tôt les personnes à haut risque de DT2 et aurait des conséquences incontestables sur la santé publique ». L’IDF préconise donc, chez les sujets à risque élevé de DT2, déterminés selon un score validé comme le Findrisc ou le score ADA, de réaliser une HGPO-1H afin de dépister précocement HI, prédiabète ou DT2.
(1) Bergman M et al. Diab Res Clin Pract. March 2024 (209)111589
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