Le consensus ADA/EASD (American Diabetes Association/European Association for the Study of Diabetes) souligne que la prise en charge du diabète de type 2 (DT2) repose avant tout sur la réduction des complications et l’amélioration de la qualité de vie, avec quatre composants essentiels qui guident le choix des molécules hypoglycémiantes : l’équilibre glycémique, la réduction pondérale, le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires (CV) et la protection cardiorénale (1).
Si de nets progrès ont été faits sur le plan cardiovasculaire, les efforts portent désormais sur la prise en charge de la surcharge pondérale, dont on connaît les conséquences métaboliques, qui se déclinent sur pratiquement tous les organes. « Il s’agit donc non seulement de viser des objectifs spécifiques de réduction pondérale mais aussi, au moment de choisir un traitement hypoglycémiant, de préférer si possible des molécules efficaces à la fois sur la glycémie et sur le poids », insiste la Pr Mélanie Davies (Leicester, Royaume-Uni).
Le consensus ADA/EASD a fixé des objectifs assez larges, estimant que toute perte de poids est bénéfique même si elle est faible. Jusqu’à 5 % de réduction pondérale, on observe une baisse de la pression artérielle (PA) et de la glycémie ; entre 5 et 10 %, apparaît l’amélioration du DT2, de la dyslipidémie mais aussi de l’asthme et de la stéatose hépatique ; entre 10 et 15 %, on peut réduire la maladie CV, la Nash et l’incontinence urinaire ; au-delà de 15 %, une rémission du DT2 est possible, de même que l’amélioration de la FEVG et la diminution de la mortalité CV.
Montée en puissance sur le poids
Premières incrétines arrivées sur le marché, d’abord pour le traitement du DT2, les agonistes du GLP-1 réduisent la glycémie, tout en limitant les hypoglycémies, ainsi que la lipémie post-prandiale. Ils ont par la suite fait leurs preuves sur la protection cardiaque, rénale et cérébrale ; ils diminuent aussi la PA, l’inflammation au niveau de différents tissus et de la graisse, la coagulabilité, et le poids corporel. Des résultats pondéraux significatifs sont obtenus en y associant règles hygiénodiététiques strictes ; mais on reste encore loin de ce que l’on peut obtenir avec la chirurgie bariatrique – de 20 à 30 % avec le bypass. Ainsi, dans l’essai Scale chez des non-diabétiques en surpoids, le liraglutide 3 mg permet une perte de poids d’en moyenne 5,5 % vs placebo, et un tiers des patients perdent plus de 10 % de leur poids.
La classe des GLP-1 est néanmoins très hétérogène et c’est le sémaglutide, présentant 94 % d’homologie avec le GLP-1 humain, qui permet la plus grande perte de poids à la dose recommandée pour le diabète. Et, dans les nouveaux essais Step 1 à 4 (2), conduits avec une dose plus élevée (2,4 mg) chez des adultes obèses ou en surpoids, avec ou sans DT2, la perte de poids atteignait 15 % en moyenne chez les non-DT2, et 10 % chez les DT2.
Parallèlement, on constatait une réduction des évènements CV de 20 % à quatre ans. « Cela a modifié le regard des cliniciens sur la place du traitement pharmacologique en termes de prise en charge de l’obésité », note la diabétologue.
Le regard des cliniciens sur la place du traitement pharmacologique a été bouleversé
Pr Mélanie Davies
Des essais avec le sémaglutide per os sont en phase 3, avec des résultats qui semblent similaires à la forme injectable à 2,4 mg.
Des hormones intestinales multifonctionnelles
La meilleure compréhension des mécanismes de régulation du poids et du rôle de l’axe intestin-cerveau sur l’appétit a conduit au développement de traitements hormonaux entéropancréatiques spécifiquement dirigés contre l’obésité.
Le GLP-1 (iléon) diminue l’appétit, la prise alimentaire, la glucagonémie, la vidange gastrique, mais augmente les nausées, l’insulinémie, la lipolyse ; il protège le cœur – c’est actuellement la seule classe reconnue comme cardioprotectrice – mais il augmente la fréquence cardiaque (FC). Les récents résultats de l’étude Flow montrent en outre que le sémaglutide réduit de 24 % le risque de complications rénales chez les DT2 avec atteinte rénale.
Le GIP (polypeptide insulinotrope glucose-dépendant, duodénum) a des propriétés assez similaires, tout en réduisant les nausées, les dépôts de lipides et la lipogenèse, la résorption osseuse, et en augmentant le glucagon.
Celui-ci diminue la glycogénolyse et la synthèse de lipides au niveau hépatique mais augmente la néoglucogenèse et l’oxydation lipidique. Les agents ciblant le glucagon seront probablement les plus susceptibles de lutter contre la stéatose hépatique métabolique.
Vers des associations ciblées
De multiples essais thérapeutiques, dont certains en phase 3, ont découlé de cette connaissance plus fine des caractéristiques de ces hormones intestinales (3). Si les GLP-1 injectables ou oraux constituent la colonne vertébrale des essais, diverses autres molécules sont en lice pour de futurs traitements contre l’obésité.
Parmi les incrétines, la cholécystokinine B (CCKB), le GLP-1 et le GLP-2 sont plutôt antidiabétiques, le glucagon et le GIP plutôt dirigés vers l’obésité. D’où l’émergence d’associations d’agonistes doubles ou triples, afin de contrôler plusieurs voies, tout en réduisant certains effets secondaires. Il y a déjà dix ans, un triple agoniste GLP-1/GIP/glucagon montrait un effet sur le poids et la glycémie très supérieur aux agonistes simples.
« La prochaine génération des traitements contre l’obésité à l’étude est constituté d’associations du GLP-1 avec d’autres hormones entéropancréatiques ayant des actions complémentaires et/ou un potentiel synergique, comme le GIP, le glucagon et l’amyline », remarque la Pr Davies.
Le premier des doubles agonistes GIP/GLP-1, autorisé, le tirzépatide, a montré dans l’essai de phase 3 Surmont-3 (2023) qu’il peut réduire le poids jusqu’à 25 %, en association avec une intervention intensive sur l’hygiène de vie. Des patients en surpoids ou obèses, avec des comorbidités (hors diabète), qui avaient déjà perdu 7 % de leur poids après 12 semaines de modification de l’hygiène de vie, ont ainsi perdu 18,4 % de poids supplémentaire sous tirzépatide pendant 72 semaines, vs une augmentation pondérale de 2,5 % dans le groupe placebo.
Toutefois, Surmont-4 montre que les kilos reviennent à l’arrêt du traitement. Des essais de phase 3 analysent aussi ses conséquences sur le plan CV et sur les SAOS.
Des agonistes de l’amyline en association avec le GLP-1 (CagriSema) ou des triples agonistes GLP-1/GIP/glucagon (rétatrutide) sont aussi en phase 3 pour la prise en charge de l’obésité. Les premières données suggèrent que la réduction pondérale pourrait être supérieure à celle sous tirzépatide. Le peptide YY, fragment d’hormone intestinale impliquée dans la sensation de satiété, est à l’étude, seul ou associé au GLP-1.
Cibler le glucagon offre un intérêt certain pour son action hépatique, avec des agonistes doubles, GLP-1/glucagon (mazdutide) ou triple (retatrutide). Des molécules aux mécanismes d’action différents des hormones intestinales sont par ailleurs en phase préliminaire d’essais cliniques.
(1) Davies MJ et al. Diab Care, 2022 Nov 1 ;45(11):2753-86
(2) Lincoff AM et al. N Engl J Med 2023 Dec 14 ;389(24):2221-32
(3) Melson E et al. Int J Obes 2024 Feb 1
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