Moins d’inflammation et moins de stress oxydant : l’effet cardioprotecteur des inhibiteurs du cotransporteur du sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) semble découler, au moins en partie, de ces mécanismes, selon des analyses associant des méthodes transcriptomiques, métabolomiques et immunochimiques complexes. Parmi diverses recherches, une étude s’est spécifiquement penchée sur les effets anti-inflammatoires et antioxydants des iSGLT2 dans le tissu adipeux épicardique d’individus souffrant d’insuffisance cardiaque sévère, avec une fraction d’éjection réduite (NYHA III-IV).
« Nous avons constaté que le traitement par iSGLT2 était associé à une réduction de l’inflammation, illustrée par une diminution marquée de l’infiltration des macrophages ainsi qu’une diminution des cellules Th1 et Th2, ainsi que des niveaux d’ARNm du marqueur macrophage Adgre dans le tissu adipeux épicardique », rapporte le Dr Milos Mraz (Prague, République tchèque). Une amélioration de la morphologie des mitochondries, associée à une diminution du stress oxydant, a aussi été relevée. La ferroptose (mort cellulaire régulée par l’accumulation de lipides peroxydés dans les membranes cellulaires) serait également réduite, contribuant ainsi à la diminution du stress oxydant.
Des effets pléiotropes métaboliques et vasculaires
« Les effets pléiotropes métaboliques et vasculaires des arGLP1 et iSGLT2 expliqueraient leur effet protecteur contre la maladie cardiovasculaire athéroscléreuse et l’insuffisance cardiaque », explique le Pr André Scheen (CHU de Liège, Belgique). On s’est vite aperçu que cette protection cardiovasculaire n’était pas strictement liée à la baisse de l’hémoglobine glyquée et qu’elle valait aussi bien chez les sujets diabétiques que chez les non-diabétiques.
Contrairement aux iSGLT2, les arGLP1 n’ont pas fait l’objet d’études chez les non-diabétiques. Des données indirectes proviennent des analyses en sous-groupes des essais, qui suggèrent que l’effet cardioprotecteur n’est pas lié à l’HbA1c de départ ou à sa réduction, mais passe par l’effet sur le poids, la pression artérielle mais aussi des effets vasculaires propres.
De leur côté, les iSGLT2 étaient au départ des médicaments qui forçaient la glycosurie, abaissant la glycémie et le poids. « Puis on s’est dit que réduire la glycémie allait aussi réduire la glucotoxicité, poursuit le Pr Scheen. Celle-ci est responsable d’une augmentation de l’insulinorésistance des tissus périphériques et d’une réduction de la fonction de la cellule bêta. Enfin, on s’est rendu compte que les iSGLT2 avaient bien d’autres effets, pléiotropes, à la fois métaboliques, hémodynamiques (diurèse osmotique, augmentation de la natriurèse, pouvant contribuer à l’amélioration de l’insuffisance cardiaque) ou encore biochimiques, etc. ». Des effets directs au niveau du myocarde commencent à être explorés, par exemple concernant les substrats : sous iSGLT2, le myocarde utilise plus d’acides gras et moins de glucose, notamment, mais aussi plus de corps cétoniques, qui semblent être un carburant de meilleure qualité pour le myocarde.
D’autres effets sont examinés, sur l’inflammation du myocarde, le stress oxydant et, comme cela vient récemment d’être démontré, sur l’érythropoïèse. Sous iSGLT2, le rein synthétise plus d’érythropoïétine (EPO), ce qui entraîne une meilleure oxygénation rénale et myocardique.
« Mais certains mécanismes restent encore mal connus (sur les mitochondries, etc.) avec, de plus, des effets spécifiques des iSGLT2 leur conférant des effets encore plus puissants que les arGLP1 sur l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite et préservée, ajoute le Pr Scheen. Il est par ailleurs très probable que des mécanismes complémentaires entre les deux classes ouvrent prochainement la porte à des thérapies combinées. »
Thérapies combinées
Justement, en ce qui concerne l’insuffisance cardiaque et les événements cardiovasculaires majeurs (Mace), ainsi que les décès toutes causes confondues, des chercheurs se sont interrogés sur l’intérêt de la bithérapie arGLP1/iSGLT2. La réponse est encourageante, selon une analyse des registres nationaux suédois (87 201 personnes incluses). Le risque relatif à cinq ans de la double thérapie arGLP1/iSGLT2, par rapport à la référence (double DPP4/sulfamides/thiazolidinediones), était de 0,93 [0,87 - 1] pour l’insuffisance cardiaque, de 0,91 [0,87 - 0,95] pour les Mace et de 0,78 [0,74 - 0,82] pour les décès toutes causes.
Mais avant d’aborder les bithérapies, encore faudrait-il que ces agents cardioprotecteurs soient déjà suffisamment utilisés. Une étude, également suédoise, met en garde contre leur sous-utilisation parmi les populations à haut risque, en l’occurrence les patients atteints à la fois de diabète et de coronaropathie. Parmi une cohorte de 38 671 patients admis pour une coronarographie entre 2010 et 2021 (à 70 % pour infarctus du myocarde), des chercheurs ont constaté que les nouveaux agents étaient plus souvent prescrits à une population présentant un risque cardiovasculaire plus faible et moins souvent à celles présentant un risque élevé de nouveaux événements.
Article précédent
Des doubles aux triples
Article suivant
DT1, de l’origine à l’issue
Une pluie de publications
Des doubles aux triples
Cardioprotection : la course au Graal
DT1, de l’origine à l’issue
Mody tardifs
Après Fukushima
Avantage iSGLT2
Hormonothérapie d’affirmation de genre, rien d’inquiétant sur le diabète à ce stade
Les SMS du congrès EASD 2023
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?