La prise en charge du diabète, en particulier de type 2 (DT2), bénéficie depuis plusieurs années de progrès considérables, tant sur le plan médicamenteux que technique. « L’arrivée des agonistes du GLP-1 et des inhibiteurs du SGLT-2 a, certes, permis de réduire les besoins en insuline, mais cette dernière reste indispensable chez un nombre important de patients, qui devrait aller croissant, avec l’augmentation de la prévalence du DT2 », rappelle la Dr Athena Philis-Tsimikas, diabétologue à San Diego aux États-Unis. On estime en effet qu’environ 40 % des patients atteints de DT2 auront besoin d’insuline au cours de leur vie. Si le recours à des analogues lents de l’insuline, injectables une fois par jour, a constitué une réelle avancée, la mise en route de l’insulinothérapie est encore souvent refusée ou retardée, souvent en raison de la peur des injections quotidiennes et de l’impact pressenti sur la qualité de vie. Et, lorsqu’il est prescrit, le traitement est mal suivi par environ un tiers des patients.
Ce constat a conduit à développer des insulines permettant d’espacer les injections, approche qui a fait la preuve de son efficacité sur l’observance avec d’autres médicaments, comme les agonistes du GLP-1. Et cela devenu possible grâce aux innovations technologiques visant à ralentir la dégradation de l’insuline. Deux insulines basales hebdomadaires sont désormais en phase 3 d’évaluation clinique : l’insuline basale Fc ou BIF (basal insulin Fc) et l’insuline basale Icodec.
La première est une protéine de fusion qui combine un variant d’insuline à chaîne unique à un fragment cristallisable d’immunoglobuline humaine.
La seconde est un nouvel analogue de l’insuline qui se lie de façon forte, mais réversible, à l’albumine, via un acide gras.
Des données sur 1 500 patients
Les études précliniques, menées in vitro et in vivo, ont permis de confirmer leur longue durée d’action et leur compatibilité pharmacologique avec une injection hebdomadaire.
Puis, les études de phase 2 ont montré que ces deux insulines donnent des résultats comparables à ceux rapportés avec les insulines lentes d’injection quotidienne, sur la réduction du taux d’HbA1c et le temps passé à la cible, chez des DT2 naïfs d’insuline, en contexte de changement d’insuline basale ou de multi-injections quotidiennes. Point très important, particulièrement analysé dans ces études — ayant inclus quelque 900 patients pour la BIF et 600 patients pour Icodec — le taux d’hypoglycémies a été comparable à celui observé avec les analogues lents quotidiens, sans augmentation des épisodes sévères, notamment nocturnes.
En phase 3, les premières données issues du programme d’évaluation clinique sont disponibles pour l’insuline Icodec, évaluée notamment chez des patients DT2 naïfs d’insuline dans les études Onwards 1 (comparativement à la glargine U100) et Onwards 3 (comparativement à l’insuline degludec). Elles confirment globalement les données des études de phase 2. Dans l’étude Onwards 2, chez des patients auparavant traités par une insuline basale dont le profil correspond à celui des sujets de la vraie vie, l’insuline Icodec apparaît non inférieure, voire supérieure à l’insuline degludec à raison d’une injection quotidienne, sur le critère principal HbA1c. Les épisodes d’hypoglycémie de niveau 2 et 3 ont été un peu plus élevés dans le bras Icodec, sans significativité statistique, et très peu fréquents (en deçà d’un événement par patient-année). Le score de satisfaction DTSQ a été statistiquement supérieur dans le bras Icodec.
Les données sur le programme de phase 3 Qwint évaluant l’insuline Fc ne sont pas encore disponibles.
Des questions en suspens
« Des résultats sont donc prometteurs, mais ils ne portent que sur des durées courtes, de 26 semaines », note le Pr Stefano Del Prato (Pise, Italie), avant d’indiquer qu’une attention particulière devra être portée à la titration, la gestion des hypoglycémies, la prise de poids sur le long terme, la définition des meilleurs candidats à ce traitement et l’observance. « S’il s’agit d’une réelle avancée, il ne faut pas oublier que la moitié des diabétiques susceptibles de recevoir de l’insuline vivent dans des pays en voie de développement, où l’accès aux analogues de l’insuline les plus récents reste encore limité », souligne-t-il.
Exergue : « Il faudra définir les meilleurs candidats et gérer la titration »
Communications des Drs Athena Philis-Tsimikas, Juan Frais, Chantal Mathieu et Stefano Del Prato
Article précédent
Mise à jour du consensus ADA/EASD : une prise en charge centrée sur le patient
Article suivant
Des inégalités face au risque de décès prématuré
Traiter le diabète vite et fort
Mise à jour du consensus ADA/EASD : une prise en charge centrée sur le patient
L’ère des insulines hebdomadaires
Des inégalités face au risque de décès prématuré
La vigie de l’œil
Le diabète, source d’anxiété
Diabète et insuffisance cardiaque : une association délétère
Les liens troubles entre Covid-19 et DT1
Les SMS du congrès EASD 2022
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?