Les propositions contraceptives ont connu une révolution depuis la « crise de la pilule », avec désormais un risque mieux connu, et maîtrisé, pour les progestatifs (lire p. 44) mais aussi, sous l’impulsion d’une réelle demande sociétale, l’arrivée des œstrogènes naturels et la contraception masculine.
Les apports des œstrogènes naturels
Lors de la sortie des pilules œstroprogestatives à l’œstradiol naturel (à la place de l’éthinylestradiol [EE]), Qlaira en 2009, puis Zoely en 2011, la question s’était posée : l’effet de premier passage hépatique serait-il atténué avec des œstrogènes moins puissants, et donc le risque thromboembolique veineux plus faible ? « Dans Qlaira, chaque comprimé contient l’équivalent de 1 à 3 mg d’œstradiol (1,5 mg pour Zoely), soit des doses assez élevées comparativement aux pilules à l’EE, à 15, 20, 30 voire 50 µg. Mais si l’EE est donné à des doses faibles, c’est parce qu’il est très puissant : son effet de premier passage hépatique l’est 400 à 500 fois plus que l’œstradiol à dose égale », explique le Dr Geoffroy Robin (CHU de Lille), secrétaire général pour la gynécologie médicale du CNGOF. Finalement, les données récentes ont confirmé que les pilules aux œstrogènes naturels ont le même risque thromboembolique veineux (peut-être un peu plus faible) que les pilules de 2e génération. Il faut donc plutôt les voir comme une proposition thérapeutique supplémentaire pour les femmes chez qui l’EE n’est pas toujours bien toléré et provoque des maux de tête, tensions mammaires, ballonnements.
Ces pilules avaient été initialement catégorisées comme de 4e génération, du fait de leur nouveauté, donc dans la même classe que Diane 35, Jasmine, etc. – qui exposent à un risque thromboembolique veineux plus élevé. Un classement obsolète puisque chaque association œstroprogestative a un risque thromboembolique veineux qui lui est propre.
Quant à la pilule Drovelis, arrivée il y a deux ans en France, elle contient un œstétrol, nouvel œstrogène naturel normalement produit in utero par le foie fœtal (et fabriqué par chimie synthétique). Son effet est neutre sur le foie. Même prise par voie orale, elle n’a pas d’effet sur les paramètres de la coagulation, tout en ayant bien une action antigonadotrope sur la FSH, et donc un effet contraceptif. On manque toutefois de recul pour savoir si cela se traduit concrètement par moins d’accidents thromboemboliques veineux. « Ce climat œstrogénique très doux semble provoquer moins de troubles de l’humeur et de la libido, note le Dr Robin. Toutefois, il augmente le risque d’avoir des métrorragies : 15-20 % des femmes sont concernées par des petits saignements en début de traitement ; avec le temps, ce taux chute à environ 10 %. »
Efficacité allongée de Mirena
Officiellement, la durée d’efficacité contraceptive du stérilet hormonal Mirena est passée à huit ans. « Mais, pour ce qui est de traiter les ménorragies fonctionnelles ou liées à une adénomyose et/ou une endométriose symptomatique, il faut continuer de se fier à la clinique, et changer ce dispositif avant si les symptômes reprennent », préconise le Dr Robin.
Les hommes entrent dans la danse
Sur les dix dernières années, le taux de vasectomie a augmenté de 400 % en France, mais il reste faible en valeur absolue. « La vasectomie ne doit pas être présentée comme une technique réversible. Et congeler du sperme n’est pas une solution dans la mesure où, en cas de changement d’avis, cela va obliger la partenaire à faire des stimulations, ce qui pose un problème éthique », souligne le Dr Robin.
La méthode de contraception thermique, qui consiste à légèrement augmenter la température des testicules grâce à un sous-vêtement adapté, porté au minimum 16 heures sur 24, tous les jours sans exception, est efficace si elle est bien appliquée ; mais très contraignante. C’est pourquoi des alternatives sont à l’étude.
Un gel contraceptif est espéré d’ici quelques années
« Un gel contraceptif fait l’objet d’une étude de phase 3 et pourrait donc être commercialisé dans les trois à cinq ans à venir. Il contient de la testostérone naturelle et un progestatif : la nestorone. Elle est 100 fois plus puissante que la progestérone naturelle et 10 fois plus que le lévonorgestrel à dose égale. Elle ne peut pas être donnée par voie orale (détruite dans l’estomac), indique le Dr Robin. Si ce gel est appliqué tous les jours par les hommes, les études montrent que c’est efficace. Il y a inhibition de la spermatogenèse, réversible à l’arrêt. La nestorone bloque bien la production de FSH-LH et le testicule ne produit plus de spermatozoïdes et plus de testostérone, raison pour laquelle la nestorone est donnée à dose substitutive. »
En revanche, il n’y a pas de « pilule masculine » en vue car les esters de testostérone de synthèse susceptibles d’être donnés par voie orale sont trop toxiques pour le foie. Il n’y a pas d’autres possibilités à ce jour que d’utiliser de la testostérone naturelle (sous forme undécanoate ou énanthate) qui, pour être absorbée par voie orale, doit être prise en milieu de repas et, pour avoir un effet contraceptif, nécessiterait six comprimés à chacun des trois repas !
Une piste est toutefois ouverte avec deux molécules dérivées de la testostérone, qui font actuellement l’objet d’essais de phase 2, soit une arrivée potentielle sur le marché d’ici une dizaine d’années.
Entretien avec le Dr Geoffroy Robin (CHU de Lille)
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