Les méningiomes sont des tumeurs cérébrales bénignes équipées, pour près de deux tiers d’entre elles, de récepteurs à la progestérone. En contact avec cette hormone ou un analogue (un progestatif), un effet prolifératif est observé. « Un antiprogestatif, comme le RU486 (mifépristone), avait d’ailleurs été proposé pour faire baisser la taille de certains méningiomes. Mais si l’effet recherché a bien été retrouvé, l’étude n’est pas allée au-delà car entre-temps, il a été montré que le simple fait d’arrêter le traitement progestatif suffisait à entraîner une régression ou une stabilisation du méningiome. D’ailleurs, aujourd’hui, pour les méningiomes diagnostiqués dans le cadre de traitements progestatifs, la première recommandation des neurochirurgiens, si le méningiome n’est pas dans une zone à risque sur le plan neurologique, est d’arrêter le traitement et d’observer en imagerie son degré de régression à trois et/ou six mois de l’arrêt », précise le Dr Geoffroy Robin (CHU de Lille), secrétaire général pour la gynécologie médicale du CNGOF.
Toutes les molécules sont concernées
Sans surprise, ce qui avait été démontré pour l’Androcur, le Lutéran et le Lutényl a maintenant été élargi à l’ensemble de la classe des macroprogestatifs. Une récente étude du British Medical Journal confirme ce même effet promoteur avec la Colprone ou le Dépo Provera (contraception hormonale injectable tous les trois mois, très peu utilisée en France). Plus le traitement est dosé, plus il est prolongé, et plus le risque relatif augmente (effet « dose cumulée ») – ce, pour les méningiomes ayant des récepteurs à la progestérone.
À l’inverse, les études montrent que les patientes exposées à de la progestérone naturelle ne présentent pas d’augmentation de risque, voire auraient une petite diminution de risque de méningiome (à la limite de la significativité). « Pour un même récepteur, le progestatif de synthèse aurait donc un effet promoteur sur les méningiomes préexistants (mais il n’y a aucune preuve d’un effet sur la survenue de novo de méningiomes) alors que le ligand naturel du récepteur n’en aurait pas. Comme il s’agit d’études faites sur des registres, il est difficile de conclure », pondère le Dr Robin.
Le risque n’est pas retrouvé avec la progestérone naturelle
À la lumière de ces dernières informations, l’ANSM n’interdit pas la prescription de ces traitements. « Il faut considérer qu’il s’agit d’un effet indésirable de ces médicaments lorsqu’ils sont administrés au long cours et qui reste, en valeur absolue, extrêmement faible. Pour mémoire, l’incidence moyenne des méningiomes en population générale est de 0,01 % des femmes par an (elle augmente avec l’âge). Même multipliée par 20, pour des personnes qui auraient pris de l’Androcur pendant cinq ans, cela ne fait que 0,2 % des utilisatrices par an. De plus, cet effet indésirable peut être prévenu et anticipé par un protocole de surveillance », rappelle le Dr Robin.
Pour les femmes qui ne répondent qu’à ces traitements, l’idée est donc de dépister un méningiome soit avant le commencement ou en début de traitement, soit au bout d’un an s’il est amené à être prolongé. Si l’IRM est normale, il n’y a pas besoin d’en refaire une avant cinq ans. Si un méningiome est repéré, il est préconisé d’interrompre le traitement et de demander rapidement l’avis d’un neurochirurgien qui, en fonction de la localisation et de la taille, peut confirmer ou non la nécessité d’interrompre le traitement. « Chaque prise de décision doit être personnalisée », insiste le gynécologue.
Pour les autres progestatifs
Les études de cohortes internationales avec le lévonorgestrel et le désogestrel à très faible dose (30 et 75 µg respectivement) n’ont retrouvé aucune augmentation du risque de méningiome.
Il faut éviter de générer des iatrogénies inutiles
Dr Geoffroy Robin
Quid des autres progestatifs, prescrits à des doses un peu plus élevées, comme le diénogest (2 mg/j) dans l’endométriose, ou de la nouvelle pilule progestative contraceptive contenant 4 mg de drospirénone ? « Il faudra attendre de nouvelles données, probablement dans 5 à 10 ans, pour avoir suffisamment de recul. D’ici là, le protocole de surveillance systématique n’est pas officiellement recommandé pour ces traitements peu dosés à ce jour, en particulier chez les femmes asymptomatiques, indique le Dr Robin. Réaliser des IRM encéphaliques n’est pas non plus sans inconvénient : on risque de retrouver des incidentalomes, qui vont générer beaucoup de stress et de iatrogénie parfois inutile. »
Entretien avec le Dr Geoffroy Robin (CHU de Lille)
Article précédent
Santé, société, environnement : une mobilisation générale pour mieux lutter contre la baisse de la natalité
Article suivant
Le visage de l’arsenal contraceptif évolue
Éditorial : vers une année plus apaisée pour la gynécologie ?
La loi de bioéthique toujours face à la surcharge
Cancer gynécologique : les premières recommandations internationales pour préserver la fertilité
Dépistage du CMV pendant la grossesse : c’est toujours non
Mortalité maternelle : l’engagement nécessaire des politiques publiques
Dépression du péripartum : on peut mieux faire
Santé, société, environnement : une mobilisation générale pour mieux lutter contre la baisse de la natalité
Macroprogestatifs : un effet indésirable désormais connu… et gérable
Le visage de l’arsenal contraceptif évolue
Des critères de labellisation pour les centres experts en endométriose
Chimiohyperthermie intrapéritonéale : vers une extension en récidives de cancers de l’ovaire
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?