La population mondiale est vieillissante ; l’indice conjoncturel de fécondité (qui doit atteindre 2,1 pour le seuil de remplacement) est en chute dans de nombreuses régions du monde, dans les pays occidentaux comme en Asie. En France, il n’est désormais que de 1,68, contre 1,84 en 2010. En Europe, il n’est en moyenne que d’1,25 à 1,30.
La dynamique de la population est ainsi en péril. À rebours de certains discours qui mettent en avant les dangers de la surpopulation, certains experts estiment que c’est le risque d’extinction qui guette réellement l’espèce humaine, tout comme il s’abat sur la faune et la flore.
Certains experts estiment que l’espèce humaine est menacée d’extinction
Un rapport s’inscrivant dans le prolongement de la loi de bioéthique du 2 août 2021 a été remis à l’exécutif en février 2022. Il rappelle les enjeux de l’infertilité, qui touche directement 3,3 millions de personnes en France, en analyse les causes – qui sont multifactorielles : médicales, sociétales et environnementales – et fait des propositions concrètes.
L’âge de la première maternité recule
Premier facteur de baisse de la fertilité dans notre pays, comme dans l’ensemble des pays industrialisés : le recul de l’âge de la première maternité. Conséquence de nombreux facteurs sociétaux, parmi lesquels l’accès plus large aux études et l’allongement de leur durée, la recherche d’une stabilité dans la vie professionnelle et affective, mais aussi des difficultés pour concilier vie professionnelle et vie familiale, notamment du fait du manque de solutions de garde. Ainsi, en 2022, 30 % des nouveau-nés avaient une mère de plus de 35 ans et un père de plus de 38 ans, alors que l’âge moyen à la première grossesse était de 24 ans il y a trois décennies. « Il faut donc agir à l’échelle individuelle, mais aussi sociétale, en repensant la politique familiale et nataliste », estime le Pr Samir Hamamah (CHU Montpellier), président de la Fédération française d'étude de la reproduction.
Le mode de vie joue aussi un rôle : tabagisme, alcool, cannabis, café, surpoids, troubles métaboliques, précarité. « À ces facteurs sociétaux, il faut ajouter une méconnaissance de la chute physiologique de la fertilité avec l’âge et une confiance excessive dans l’aide médicale à la procréation, qui n’est pourtant pas “une baguette magique” », souligne le Pr Hamamah, avant de rappeler que le taux de naissances vivantes après fécondation in vitro n’est globalement que de 20 à 25 %.
Les conséquences des facteurs environnementaux sur la fertilité sont reconnues mais encore mal appréhendées, notamment en raison de l’intrication des effets des dizaines de perturbateurs endocriniens présents dans de très nombreux produits de la vie courante. Mais le constat global est là : la concentration en spermatozoïdes dans le sperme a diminué de plus de 50 % en moins de quarante ans ; chez la femme, des taux élevés en bisphénol A et/ou en phtalates sont associés à une puberté précoce, des fausses couches à répétition et une insuffisance ovarienne primitive.
Six axes d’amélioration
Le rapport sur les causes d’infertilité, coécrit par le Pr Hamamah et Salomé Berlioux, propose six axes d’amélioration. Tout d’abord, éduquer et informer, individuellement et collectivement, sur les facteurs d’altération de la fertilité. Cela peut par exemple passer par un temps d’enseignement au collège sur la santé reproductive dans le cadre de l’enseignement à l’éducation sexuelle, par la création d’un logo reprotoxique qui serait apposé sur les produits concernés, par le développement et la promotion des consultations préconceptionnelles afin d’identifier les facteurs de risque, par la favorisation de l’accès à l’AMP…
Le document préconise ensuite de mieux former les professionnels de la santé à la prévention de l’infertilité, durant le cursus des études médicales mais aussi en formation continue, en incluant les généralistes, les sages-femmes et les infirmiers de pratique avancée. L’idée est de mieux repérer et diagnostiquer les causes d’infertilité, en particulier chez les hommes. Une consultation d’andro-urologie pourrait être réalisée chez les hommes jeunes ayant des facteurs de risque.
Parmi les autres axes d’amélioration : la mise en place d’une stratégie nationale de recherche globale et coordonnée sur la reproduction humaine et l’infertilité, dotée d’un PEPR (programmes et équipements prioritaires de recherche). Enfin, la création d’un Institut national de la fertilité pourrait permettre d’incarner la discipline et de garantir la coordination des acteurs de la prévention et de la prise en charge. « Les lignes commencent à bouger ; les politiques, avec l’annonce de différentes mesures, s’emparent du problème de la fertilité, qui relève de questions à la fois intimes et sociétales et qui doit être l’affaire de tous », souligne le Pr Hamamah.
Entretien avec le Pr Samir Hamamah (CHU Montpellier), qui publie Lutter contre l’infertilité (14 juin 2024, éd. de l’Aube, 208 p.)
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