On estime l’incidence de l’insuffisance hépatique aiguë ou hépatite fulminante (IHA) à 500 à 600 cas par an chez l’enfant aux États-Unis. Mais le nombre d’hospitalisations a augmenté de façon marquée depuis 2015, avec une accélération en 2022. Les IHA chez l’enfant sont de cause indéterminée dans 43 % des cas (jusqu’à 60 % entre 3 mois et 3 ans), à 13,3 % liées au paracétamol, à 8,4 % d’origine virale, à 6,6 % auto-immunes, elles peuvent aussi être encore iatrogènes, métaboliques, etc.
Des formes plus sévères
Parallèlement à l’augmentation du nombre d’IHA, on a constaté une hausse des formes sévères, nécessitant une transplantation. Ainsi, dans une série 15 patients de moins de 18 ans admis pour ce motif entre octobre 2021 et février 2022, 6 avaient une hépatite sévère, 3 une défaillance hépatique et 2 ont dû bénéficier d’une greffe hépatique (1).
L’implication d’un adénovirus (AdV) reste difficile à affirmer. La cause était connue pour 6 patients (5 négatifs pour les AdV et 1 non testé) ; chez les 9 enfants pour lesquels l’étiologie n’était pas connue (5 avaient moins de 2 ans), 8 étaient positifs à la sérologie AdV et 1 était négatif, mais tous étaient positifs à la PCR. Mais, chez 6 de ces enfants, on retrouvait d’autres virus, comme l’Epstein-Barr et, dans la moitié des cas, des entéro- et des rhinovirus ; aucun Sars-CoV-2 en revanche. Chez les 6 qui ont eu une biopsie hépatique, on ne constatait ni d’impact cytopathique viral, ni d’inclusions virales, et l’immunohistochimie était négative pour les AdV ; mais, sur les 5 séquençages qui ont pu être réalisés, tous révélaient la présence d’AdV 41.
Dans une autre série de 44 enfants atteints d’IHA de cause inconnue (2), 14 n’ont pas bénéficié d’une PCR pour AdV, parmi lesquels 1 a dû être transplanté ; sur les 30 qui ont été testés, 27 étaient positifs pour l’AdV en sérologie (93 % à la PCR) et 5 ont été greffés. Mais on retrouve aussi des positivités pour le Sars-CoV-2, les entéro- ou les rhinovirus, etc. Sur les 9 biopsies, on ne constate pas d’inclusions virales et l’immunohistochimie est négative pour l’Adv.
« Si l’adénovirus est le pathogène le plus fréquemment rencontré, il n’est pas le seul. D’autre part il est difficile d’affirmer que cette infection est directement la cause de l’hépatite, dans la mesure où on ne constate pas d’inclusions virales sur les biopsies et que l’immunohistochimie est négative », remarque la Dr Luz Helena Gutierrez Sanchez (Birmingham, Alabama).
Une dérégulation immunitaire ?
Autre hypothèse, l’infection à AdV pourrait constituer l’élément d’une dérégulation de la réponse immune. Cette réaction inadaptée contre l’hôte aurait pu être rendue possible par le manque d’exposition aux virus durant le confinement, mais aussi être majorée par des traitements, des agents environnementaux ou des co-infections avec autres virus. En effet, des études montrent aussi la présence d’un AAV2 (Adeno-associated Virus 2). En comparant 9 cas d’hépatites aiguës survenus en Écosse chez des enfants à 58 sujets-contrôle (3), le séquençage de nouvelle génération et la PCR ont ainsi détecté l’AAV2 dans le plasma de tous les cas, et dans les 4 de ceux ayant eu une biopsie hépatique, mais chez aucun des sujets témoins, y compris ceux ayant une infection à AdV sans atteinte hépatique ou ayant eu une hépatite d’autre étiologie.
On sait que l’AAV2 nécessite un virus co-infectant pour se répliquer, généralement un AdV ou un Herpèsvirus. L’AdV a été retrouvé dans 6 cas et l’HHV6 dans 3 sur 9. Enfin, 8 cas sur 9 étaient porteurs de l’allèle HLA-DRB1*04:01, vs. 15,6 % de la population écossaise, suggérant qu’il conférerait une susceptibilité accrue. L’AAV2 pourrait donc être impliqué, directement ou par le biais d’une réactivation.
« Si on admet que cette dysrégulation immunitaire est à l’origine des IHA pédiatriques, cela pourrait amener à des traitements immuns régulateurs », souligne la pédiatre. Les corticoïdes améliorent l’hépatite mais ne modifient pas la survie. Une étude de phase IIa est en cours pour comparer méthylprednisolone à haute dose ou les globulines antithymocyte au placebo dans les IHA de cause indéterminée chez les enfants.
Exergue : « On pourrait tester des traitements immuns régulateurs »
Workshop-03 (1) Gutierrez Sanchez LH et al.N Engl J Med 2022 ; 387:620-30 (2) Kelgeri C. N Engl J Med. 2022 ;387(7):611-9 (3) Ho A et al. doi.org/10.1101/2022.07.19.22277425
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