En septembre-octobre 2022, une augmentation des cas d’infections invasives à streptocoque A (SGA) a été observée dans le monde, y compris en France. Mais les pathologies liées au SGA ne se limitent pas aux formes invasives, elles comprennent aussi les angines, la scarlatine, l’impétigo, les infections périanales, les tournioles, les lymphadénites, etc. Depuis 2017, le Panel ambulatoire de recherche en infectiologie (Pari) surveille les pathologies infectieuses pédiatriques en ambulatoire. « En 2017, lors de la mise en place de l’étude Pari, les pathologies non invasives liées au SGA présentaient des épidémies annuelles tout à fait similaires aux autres agents, commente la Dr Corinne Levy, directrice de l’Association clinique thérapeutique infantile du Val-de-Marne (Activ), qui gère le réseau Pari. Avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19, une chute drastique de ces pathologies a été observée. Juste après, dès septembre-octobre 2022, une augmentation considérable des infections non invasives à SGA a été relevée en ville, jusqu’à atteindre un pic, avec une multiplication par quatre du nombre de cas. Les angines à streptocoque A ont même été multipliées par cinq. »
550 000 épisodes analysés
Entre 2018 et 2024, 550 000 épisodes infectieux ont été comptabilisés dans l’étude Pari. Les pathologies à SGA (TDR positif) en représentaient 4 % (23 000). Les angines étaient majoritaires (75 %), suivies des scarlatines (20 %), des infections périanales (3 %) et des panaris (3 %). Les tests de diagnostic rapide (TDR) ont été réalisés pour 95 % des angines chez les enfants de 3 ans et plus, avec un taux de positivité supérieur à 42 [41 ; 42,2] %.
En ce qui concerne les recommandations thérapeutiques, celles-ci sont bien suivies dans le cadre de la surveillance Pari : sur 44 000 cas d’angine, moins de 5 % n’ont pas fait l’objet d’un TDR. Et, lorsqu’aucun TDR n’était réalisé, dans 81 % des cas, aucune antibiothérapie n’a été prescrite. De même, si le TDR était négatif, il n’y avait pratiquement jamais d’antibiothérapie (pour 95 %). En revanche, lorsque le TDR était positif, une antibiothérapie était prescrite dans presque 98 % des cas, principalement à base d’amoxicilline (91 %).
La moitié des otorrhées
Depuis 2015, le réseau Pari suit également de près les otorrhées. Les prélèvements effectués ne sont positifs que dans 50 % des cas, 41,3 % selon les derniers chiffres. Parmi les prélèvements positifs, le SGA représente près de la moitié des cas. « On observe une augmentation notable de ce pathogène dans les otorrhées, atteignant 59,5 % en 2023, indique la Dr Levy. Il y a vingt ans, il ne représentait que 8 % des cas de pus d’oreille. » C’est dans la population des plus de 3 ans que le SGA est majoritaire. Les génotypes emm1 et emm2 représentent respectivement 19 % et 16 % des cas ; on retrouve également ces types dans les infections invasives.
L’épidémiologie observée évoque une dette immunitaire
Dr Corinne Levy
« La pandémie de Covid-19, avec les mesures barrières, a considérablement modifié l’épidémiologie des pathologies non invasives à streptocoque A, résume la Dr Lévy. Leur levée a conduit à une augmentation des cas, dépassant de loin les niveaux prépandémiques. Le portage du SGA dans le nasopharynx (9 % en 2022-2023 et 4,6 % en 2023-2024) est inhabituel et indique une circulation importante de cette bactérie. Les génotypes des souches diffèrent en partie de celles retrouvées dans les infections invasives, mais le type emm1 est le deuxième le plus fréquemment retrouvé dans nos études. L’ensemble de ces éléments supportent le concept de la dette immunitaire. »
Après la vague d’infections graves
En novembre 2022, des alertes ont été émises concernant une fréquence anormalement élevée d’infections graves à SGA chez les enfants en France. Le phénomène a été suivi par l’Observatoire national des infections invasives à SGA chez les enfants de 0 à 18 ans avec l’étude Isai.
Les résultats préliminaires portaient sur 417 inclusions dans 34 centres hospitaliers. « Le pic de l’épidémie s’est manifesté principalement entre octobre et novembre, se prolongeant jusqu’au mois de juin 2023, décrit la Dr Camille Bréhin, pédiatre infectiologue (CHU Toulouse). Cet hiver 2023-2024, nous avons observé beaucoup moins de cas par rapport à l’hiver précédent. L’âge médian est de 4 ans. 35 % de ces infections surviennent chez les enfants de moins de 3 ans, 53 % chez les 3-10 ans, et seulement 12 % chez les plus de 10 ans. D’autres caractéristiques cliniques ont été observées, notamment une part de 42 % de filles, des comorbidités présentes chez seulement 13 % des enfants, un tableau d’immunosuppression chez 2 % d’entre eux ; 27 % avaient présenté une infection virale dans les 15 jours précédents (grippe, varicelle), un chiffre probablement sous-estimé. »
Parmi les caractéristiques cliniques observées, 48 % des enfants présentaient des infections ORL compliquées, principalement des sinusites et des infections cervicales profondes. Environ 20 % avaient une atteinte pulmonaire, essentiellement des pleuro-pneumopathies. Une atteinte cutanée était présente chez 21 % des enfants, tandis que 14 % présentaient une atteinte ostéoarticulaire.
Il faut rester vigilant car le SGA continue de circuler
Dr Camille Bréhin
Les cas de méningite étaient rares, avec moins de 1 % des enfants affectés. En outre, 15 % des enfants se sont présentés en état de choc, tandis que 3 % ont développé un syndrome de détresse respiratoire aiguë. Près d’un tiers des enfants ont dus être hospitalisés en réanimation (23 %) ou en unité de soins intensifs (7 %).
Plus d’un tiers des patients ont nécessité une chirurgie en urgence dans les 24 heures. À la sortie d’hospitalisation, 81 % des enfants ont présenté une évolution favorable, et 16 % ont eu des séquelles à court terme, principalement respiratoires et pulmonaires, mais aussi neurologiques ou cutanées. Des séquelles orthopédiques ont également été observées, certains enfants ayant dû être amputés, ou présentant des atteintes articulaires persistantes.
Dans cette cohorte, 12 enfants, soit 3 %, sont décédés. « Même si l’épidémie semble s’essouffler, il faut rester vigilant, estime la Dr Bréhin, car le SGA continue de circuler. Une attention particulière doit être portée aux signes de gravité et aux évolutions habituelles. Le Centre national de référence signale que les souches emm1 sont prédominantes dans cette cohorte. »
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