Le dépistage néonatal (DNN) a commencé par la phénylcétonurie en 1972, utilisant une technique bactériologique. En 1978, le dépistage de l’hypothyroïdie congénitale a été introduit avec une nouvelle méthode biochimique (Elisa-RIA). En 1989, celui de la drépanocytose a été mis en place dans les DOM-TOM, puis généralisé en métropole en 1995, uniquement pour les populations à risque. La même année, le dépistage de l’hyperplasie congénitale des surrénales a été instauré, marquant une période d’importante automatisation dans les laboratoires.
En 2002, pour la première fois, une maladie sans traitement curatif a été dépistée : la mucoviscidose. Cependant, des protocoles de soins élaborés permettaient d’imaginer une amélioration significative de la qualité et de l’espérance de vie des enfants. Ce dépistage a aussi marqué l’introduction de la confirmation du test biochimique par biologie moléculaire, une première. En 2014, le dépistage de la surdité congénitale profonde a été mis en place avec des tests fonctionnels.
En 2020, l’État a financé des spectromètres de masse, permettant de dépister un plus grand nombre de maladies. Cette avancée a conduit à l’introduction du dépistage du déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCAD).
La France comble en partie son retard
Au 1er janvier 2023, 37 843 500 enfants avaient été soumis au dépistage néonatal depuis ses débuts. Parmi eux :
- 2 336 cas de phénylcétonurie ont été détectés, soit environ 1 pour 16 200 nouveau-nés testés ;
- 10 903 cas d’hypothyroïdie congénitale, soit 1 pour 3 189 ;
- 1 189 hyperplasies surrénales, soit 1 pour 19 394 ;
- 3 069 de mucoviscidose, soit environ 1 pour 5 206 ;
- 11 087 de drépanocytose, soit environ 1 cas pour 666 ;
- 59 déficits en MCAD, soit environ 1 cas pour 22 100.
« En 52 ans de dépistage néonatal [DNN], 28 643 enfants présentant une pathologie sévère ont pu être pris en charge avant l’apparition de séquelles irréversibles, ou inclus dans une filière de soins, soit 1 sur 1320, souligne le Pr Frédéric Huet (CHU Dijon Bourgogne), président de la Société française de dépistage néonatal, soulignant qu’avec les élargissements successifs, rien qu’en 2022, 1 230 enfants ont été dépistés, soit 1 sur 592. »
Nous voulons répondre à un nombre croissant de maladies
Pr Frédéric Huet
En 2023, le programme a inclus sept maladies héréditaires du métabolisme (MHM) : la tyrosinémie, la leucinose, l’homocystinurie, l’acidurie isovalérique, l’acidurie glutarique, le déficit en LCHAD et le déficit systémique primaire en carnitine. Avec 13 maladies dépistées aujourd’hui, si la France comble en partie son retard, elle reste encore loin derrière l’Autriche (28), l’Espagne (27), l’Islande (26), le Portugal (25), et les Pays Bas (20), mais l’introduction de nouvelles maladies est imminente. « Au 31 décembre 2023, 21 enfants avaient été dépistés pour les sept MHM, et 38 à la mi-mai 2024. C’est un changement dans la gestion des maladies rares, en particulier des maladies métaboliques, où régnait l’errance diagnostique. Il est nécessaire de tirer parti de cette incidence élevée pour justifier de manière rigoureuse et systématique le dépistage néonatal, insiste le Pr Huet. Notre objectif est d’identifier et de répondre à un nombre croissant de maladies. »
Prochaines étapes
Dès le mois d’octobre 2024, le dépistage de la drépanocytose va être généralisé (et plus seulement restreint aux pour les populations à risque comme depuis 1995). Devrait suivre, au premier trimestre de 2025, le dépistage des déficits immunitaires combinés sévères (Dics) par la méthode de Trec (Tcell receptor excision circle), qui repose sur la détection dans le sang de petits segments circulaires d’ADN libérés par les lymphocytes T matures. « Les études, notamment Dépistrec en 2021, ont révélé que ce dépistage permet de repérer non seulement les cas graves nécessitant une greffe, mais aussi un certain nombre de patients présentant des anomalies lymphocytaires associées à des malformations congénitales, telles que des cardiopathies, la trisomie 21 ou le syndrome de DiGeorge, explique le Pr Huet. Ce dépistage pourrait être associé à celui de l’amyotrophie spinale infantile, qui utilise la même technique par PCR quantitative pour détecter une délétion de l’exon 7 du gène SMN1, responsable dans 95 % des cas. » Une étude pilote est en cours en Nouvelle-Aquitaine et à Strasbourg, avec 61 000 nouveau-nés inclus à la date de mars 2024. « 5 patients ont été dépistés, dont 4 ont bénéficié d’un traitement révolutionnaire de thérapie génique, améliorant considérablement leur espérance et leur qualité de vie. Depuis mars, deux autres enfants ont été dépistés. Il est probable que l’on n’ait pas besoin d’attendre la fin de l’expérience pour valider la faisabilité et généraliser ce dépistage », indique le Pr Huet.
L’arrivée du génie génétique
La refonte de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique et les décrets portant sur les examens des caractéristiques génétiques (30/12/2023) ont permis que le dépistage prénatal puisse être réalisé par des examens des caractéristiques génétiques. De son côté, la Haute Autorité de Santé a élargi, en 2023, les critères de sélection des maladies à dépister et retient désormais la bonne connaissance de la maladie, un temps d’apparition des symptômes supérieur à sept jours, la gravité de la maladie, la démonstration d’un traitement efficace dans la prévention d’au moins une partie des conséquences, et d’un bénéfice individuel de l’intervention précoce, enfin, la fiabilité de l’examen de dépistage en matière de spécificité et de sensibilité.
Un certain nombre de maladies, essentiellement métaboliques, sont ainsi candidates au DNN à court terme, comme l’adrénoleucodystrophie et des maladies lysosomales (la maladie de Niemann-Pick, la leucodystrophie métachromatique, la maladie de Pompe, la maladie de Gaucher, la céroïde lipofuscinose neuronale). Dans les années à venir, le déficit en acylcoenzyme A déshydrogénase des acides gras à chaîne très longue (Vlad) devrait intégrer le programme.
« Tout s’accélère. Il faut sortir du cadre rigide de l’évaluation maladie par maladie et trouver une évolution dynamique répondant aux problèmes de santé publique, du fait des progrès scientifiques physiopathologiques, technologiques (biochimie, dépistage par séquençage nouvelle génération/NGS) et thérapeutiques (enzymothérapies, régimes, thérapies protéiques ou moléculaires, etc.) qui arrivent sur le marché quasiment chaque semaine. Les planètes sont alignées. De nombreuses maladies rares concernées, ce qui porte à un sur 150 la proportion d’enfants touchés aujourd’hui par une maladie potentiellement traitable ou actionnable », fait remarquer le Pr Huet.
Des projets nationaux et internationaux sont déjà en cours aux États-Unis, en Europe, en Chine et en Australie, utilisant le dépistage par NGS, ce qui soulève la question de l’acceptabilité du dépistage néonatal élargi par voie génomique par la population. Un travail est en cours au sein du consortium international Icons, pour définir une liste des maladies à dépister.
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