Au moment de la première vague de l’épidémie de Covid-19, un vent de panique avait saisi les patients asthmatiques, ce qui s’était traduit par une augmentation du nombre de passages aux urgences, sans qu’il n’y ait eu toutefois plus de diagnostics d’exacerbations ou de Covid-19. Des craintes qui paraissaient justifiées sur le plan théorique, puisque les infections virales sont des facteurs déclenchants des exacerbations d’asthme. Des coronavirus, habituellement responsables de simples rhumes, sont présents dans environ 20 % des prélèvements respiratoires lors d’une exacerbation d’asthme chez l’enfant et l’adulte.
Mais les connaissances ont évolué et une métaanalyse récente portant sur plusieurs centaines de milliers de cas a confirmé que les sujets asthmatiques ne sont pas plus à risque de contracter l’infection par le Sars-CoV- 2, ni plus à risque de forme sévère ou de décès. Le pronostic des patients asthmatiques hospitalisés est comparable à celui de la population générale, qu’il s’agisse de la durée d’hospitalisation ou du délai à l’extubation. Une étude de cohorte menée au Royaume-Uni sur plus de 8 millions d’adultes confirme le peu de poids de l’asthme sur le pronostic du Covid-19, comparativement à d’autres maladies respiratoires chroniques, comme les pathologies interstitielles, qui exposent quant à elles à un risque de décès multiplié par un facteur 2,5.
Seul l’asthme sévère est associé à un surrisque de décès significatif (odd ratio de 1,15). « Mais, chez les asthmatiques comme dans la population générale, ce sont les comorbidités, fréquentes dans l’asthme sévère, qui sont associées à un surrisque de décès », a souligné le Pr Alain Didier (Toulouse), citant plusieurs études menées notamment en Espagne et en France. L’âge, l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète, l’obésité jouent ainsi un rôle délétère, chez les asthmatiques comme chez les non-asthmatiques.
L’absence de lien entre Covid-19 et risque d’exacerbation a été confirmée, y compris chez les personnes asthmatiques hospitalisées pour une pneumonie à Sars-CoV-2.
Un effet protecteur des traitements ?
Cependant, de nombreuses interrogations portent encore sur l’effet éventuel des traitements de l’asthme sur le cours de la maladie virale. Certaines publications ont suggéré un effet protecteur des corticostéroïdes inhalés vis-à-vis du risque d’hospitalisation. Les données sur les biothérapies sont encore très parcellaires et ne permettent pas de conclure formellement. Mais ces traitements ne semblent pas associés à un risque accru de forme sévère de Covid-19. Des travaux antérieurs menés chez des enfants et adolescents asthmatiques avaient même suggéré un effet positif de l’omalizumab sur le portage nasal de rhinovirus.
Ainsi, les craintes initiales − risque d’exacerbation sévère en cas d’infection, risque accru de forme sévère et de décès, effet délétère des corticoïdes systémiques et inhalés − se sont révélées infondées.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce paradoxe. Tout d’abord, une possible sous-déclaration des asthmatiques dans les cohortes, notamment les cohortes chinoises. Ensuite, une sous-expression des récepteurs de l’ACE 2 chez les asthmatiques. Le rôle éventuellement protecteur des corticostéroïdes inhalés pourrait être lié à une réduction de l’expression de ces récepteurs, mais aussi à une réduction de la réplication virale et ou de la réponse inflammatoire, comme le suggèrent quelques travaux.
Des conséquences pratiques
L’évolution des connaissances permet aujourd’hui d’adapter les recommandations. Ainsi, contrairement à ce qui a pu être parfois fait au début de l’épidémie, il ne faut pas interrompre les traitements de fond en cours et ne pas hésiter à initier une biothérapie si la sévérité et le non-contrôle de l’asthme le justifient. Il faut également recourir sans retard à une corticothérapie systémique pour le traitement d’une exacerbation qui le nécessite.
L’utilisation des nébulisations peut augmenter la dissémination du virus, et nécessite des précautions pour les soignants et pour l’entourage. Lorsque la situation clinique le permet, le recours à une chambre de nébulisation est à privilégier. Enfin, pour les asthmatiques exerçant une profession à risque de Covid-19, l’aménagement du poste de travail doit être discuté avec l’employeur et le médecin du travail en fonction de la sévérité et du contrôle de l’asthme et de la prise ou non d’une corticothérapie orale au long cours.
Exergue : Les coronavirus des rhumes habituels sont présents dans 20 % des prélèvements respiratoires lors d’une exacerbation d’asthme
Communication du Pr Alain Didier, Toulouse
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