LE QUOTIDIEN : Comment la société évolue-t-elle face à la contraception masculine ?
Pr HUYGHE : Alors que la contraception masculine est toujours majoritairement à la demande (préservatif), le désir sociétal de redistribuer la charge contraceptive, jusqu'ici très largement portée par les femmes, va croissant. Selon une enquête, en France, 37 % des moins de 30 ans seraient prêts à expérimenter une pilule masculine, 22 % à pratiquer une vasectomie et 12 % à tester la contraception thermique ou « slip chauffant ».
Plusieurs phénomènes ont alimenté l'émergence de cette tendance, en particulier le recul de l'acceptation de la contraception hormonale par les femmes suite aux polémiques autour du traitement hormonal de la ménopause (THM). La contraception masculine est donc aujourd'hui un sujet brûlant, aussi masculin que féminin, puisque ce sont essentiellement les femmes qui font les frais des échecs contraceptifs (pilule du lendemain, grossesse non désirée, interruption volontaire de grossesse…).
Quels moyens contraceptifs les hommes utilisent-ils en France ?
Un tiers des célibataires utilisent le préservatif comme solution contraceptive à la demande, avec un bénéfice intéressant vis-à-vis des infections sexuellement transmissibles. À l'autre bout du spectre, la vasectomie associée à une contraception prolongée concerne moins de 1 % des hommes. Pour rappel, cette technique autorisée depuis seulement 20 ans en France n'est pas définitive : ce n'est pas une stérilisation. Dans les meilleures séries, on arrive à reperméabiliser 50 à 80 % des hommes. Néanmoins ces chances de reperméabilisation décroissent largement avec le temps. Six à huit ans après la vasectomie, elles sont très limitées. En conséquence, la vasectomie est très strictement encadrée en France. Interdite jusqu'en 2001 (loi du 4 juillet 2001), elle n'a été autorisée qu'à la stricte condition de mettre en œuvre au moins deux consultations préalables à quatre mois d'intervalle avant l'intervention. En pratique, peu d'hommes changent d'avis dans l'intervalle (3 à 5 %), d'autant qu'ils ont la possibilité d'autoconserver du sperme. Depuis sa légalisation, la vasectomie a donc beaucoup progressé. Le nombre d'intervention annuelle a été multiplié par dix entre 2010 et 2020, pour atteindre en France les 13 000 cas par an en 2020. Mais du préservatif à la vasectomie, il y a un gouffre. C'est pourquoi entre ces deux techniques largement validées, des alternatives se développent, en particulier la contraception thermique qui a le vent en poupe.
En quoi consiste la contraception thermique ou « slip chauffant » ?
La contraception thermique est fondée sur un dispositif portable de type « slip ». Elle permet de serrer les testicules au corps et d'augmenter ainsi leur température, avec à la clé une réduction drastique de la spermatogenèse. Cela n'a rien d'un délire écologique ! Le dispositif doit être porté au moins 15 heures par jour, sept jours sur sept pour être efficace. Comme le cycle de la spermatogenèse dure environ deux mois (74 jours), le délai avant efficacité est de deux à trois mois. Et nos données préliminaires montrent que ça marche ! On recommande juste de ne pas interrompre les autres moyens contraceptifs tant qu’on n’a pas vérifié par spermogramme l'efficacité contraceptive. Le « slip » est considéré comme efficace s'il a permis d'atteindre une oligospermie sévère (taux de spermatozoïdes < 1 million/ml).
Cette méthode a-t-elle été scientifiquement validée ?
À l’heure actuelle, divers dispositifs de contraception thermique de type « slip » sont proposés sur internet. Aucun n'a été soumis à une évaluation. Le seul à avoir bénéficié d'une évaluation scientifique est le dispositif breveté par le CHU de Toulouse. Mais en absence d'étude de phase 3, il n'est pas commercialisable. Il est donc encore utilisé dans le cadre d'études cliniques. Mais, pour valider ce dispositif, il reste encore à mettre en place un essai clinique à large échelle. Malheureusement, nous ne trouvons pas les fonds (coût estimé à un million d’euros), les laboratoires n'étant pas intéressés. En effet, une validation sérieuse nécessiterait a minima une étude d'efficacité sur 200 hommes pour évaluer le taux de réussite (oligospermie sévère à trois mois), et un essai d'innocuité sur 600 hommes avec un suivi d'au moins six mois. Ces données d'innocuité sont en effet indispensables au vu de l'augmentation des anomalies génétiques spermatiques associées à ce freinage de la spermatogenèse. Ces anomalies spermatiques imposent d'ailleurs d'éviter de démarrer une grossesse au moins dans les premiers mois après l’arrêt du « slip ». Pour la même raison, une grossesse ayant débuté sous « slip », ou peu après son arrêt, impose un suivi gynécologique renforcé (risque potentiel de malformation fœtale).
Sans surprise, l'acceptabilité de ce « slip chauffant » est très variable. Il existe en outre une certaine variabilité interindividuelle d'efficacité. De plus, l'absence d'évaluation sur des hommes très jeunes nous interdit, pour le moment, d'avoir une idée claire de l'efficacité sur ces sujets potentiellement très fertiles.
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