Les maladies cardiovasculaires constituent une véritable urgence sanitaire en France, comme en Europe. Elles sont la première cause de décès chez la femme et leur incidence ne cesse d’augmenter. Elles tuent huit fois plus de femmes que le cancer du sein et touchent des femmes de plus en plus jeunes.
Selon les données de Santé publique France, entre 2002 et 2013, le nombre de personnes hospitalisées pour un infarctus du myocarde a baissé dans toutes les classes d'âges chez les hommes (– 8,2 % de 45 à 54 ans).
Sur la même période, il a progressé chez les femmes (+ 17,9 % de 45 à 54 ans). Le tabagisme et l’obésité en augmentation dans cette population en sont les principales causes. Mais il existe en plus, un risque hormonal spécifique.
« Le risque cardiovasculaire de la femme est sous-estimé. Les facteurs de risque sont insuffisamment dépistés. Et de plus, les scores de risque (risque coronaire/CV à 10 ans) ne sont pas adaptés pour les femmes », a déclaré la Pr Claire Mounier-Vehier (Institut Cœur-Poumon, CHU Lille).
Identifier les situations à risque
Le gynécologue se trouve en première ligne pour identifier les situations à risque aux périodes clés de la vie hormonale : contraception, grossesse et ménopause. Chez la femme jeune (< 50 ans) il faut être particulièrement vigilant dans certains cas : contraception oestro-progestative, HTA de la grossesse (prééclampsie), diabète de la grossesse, hystérectomie et/ou ovariectomie, insuffisance ovarienne prématurée (> 40 ans), syndrome des ovaires polykystiques, endométriose, âge des premières règles (< 11 ans ou ≥ 17 ans) et nombre de grossesses > 3.
Chez la femme plus âgée (≥ 50 ans), les situations à risque sont également nombreuses : ménopause (surtout si bouffées vasomotrices, traitement hormonal par voie orale), cancer du sein (notamment à gauche, chimio et radiothérapie) et ostéoporose (facteur de risque émergent).
Surveillance cardiologique rapprochée
L’insuffisance ovarienne prématurée (IOP), le syndrome de Turner et l’endométriose sont les trois principales pathologies gynécologiques pour lesquelles il existe un risque cardiovasculaire qui doit être pris en charge précocement.
L’IOP se définit par des troubles du cycle avant l’âge de 40 ans avec un taux élevé de gonadotrophines (FSH supérieure à 25 UI/l) sur au moins deux prélèvements distincts, réalisés à quelques semaines d’intervalle. Sa prévalence est de 1/1 000 chez les femmes de moins de 30 ans et de 1 % chez les femmes de moins de 40 ans. « La prise en charge des patientes a pour but d’éviter les complications cardiovasculaires et osseuses secondaires à l’hypoestrogénie. Elle fait appel au traitement hormonal substitutif », a rappelé la Dr Justine Hugon (Paris). Il devrait être initié le plus tôt possible afin de réduire le risque cardio-vasculaire et doit être poursuivi jusqu’à l’âge moyen de la ménopause naturelle, 51 ans. Il est également nécessaire que les patientes aient une qualité de vie la plus saine possible, associant l’exercice physique, l’absence de surcharge pondérale, l’absence de consommation de tabac. Un régime adapté est recommandé, notamment avec une supplémentation en vitamine D et calcium. L’administration d’une statine peut être discutée
Une des causes bien connue d’IOP est le syndrome de Turner (monosomie complète ou partielle pour le chromosome X). Son incidence est estimée à 1 sur 2 500 naissances féminines. Il nécessite le plus souvent l'introduction d'un traitement par hormone de croissance dès la petite enfance puis par estrogènes, associés dans un deuxième temps aux progestatifs. S'y associent diverses complications, notamment cardiovasculaires. Le suivi cardiologique doit être régulier et spécialisé selon les recommandations HAS-CNGOF (mesure de la pression artérielle, bilan glucido-lipidique, ECG, échographie transthoracique, mesure de l’index aortique…). Les grossesses spontanées sont exceptionnelles (5,6 % des cas dans une série française) et le recours au don d'ovocytes reste souvent la seule alternative pour les patientes désireuses d'une grossesse. « Grossesse qui reste d'ailleurs à très haut risque, notamment cardiovasculaire avec un risque accru d’hypertension artérielle (prééclampsie dans 12 % des cas), de césarienne (68-85 %) et de dissection aortique, justifiant la réalisation d'un bilan préconceptionnel exhaustif avec IRM cardiaque », a souligné la Dr Justine Hugon.
Des données émergentes dans l’endométriose
En France, environ 2,5 millions de femmes sont concernées par l’endométriose (10 % des femmes en âge de procréer).
De plus en plus d’études montrent qu’endométriose et maladie cardiaque pourraient avoir un lien. Les données de santé de 116 430 femmes inscrites à la vaste étude américaine Nurses' Health Study II, de 1989 à 2009 dont 5 926 femmes ayant une endométriose confirmée chirurgicalement, l’ont notamment confirmé. Le risque d’HTA était augmenté de 14 %, le risque d’hypercholestérolémie de 25 %. Mais surtout, le risque d’infarctus du myocarde était augmenté de 52 % et d’angor de 91 % chez les femmes souffrant d’endométriose. Le risque de recours à une chirurgie cardiaque était aussi augmenté de 35 %. Les chercheurs ont aussi observé que la prévalence des maladies cardiaques chez les participantes souffrant d'endométriose était plus élevée chez les femmes de moins de 40 ans.
Une association positive a également été observée entre migraine et endométriose et récemment une étude japonaise a montré un lien entre endométriose et thrombose veineuse.
Communications de la Pr Claire Mounier-Vehier (Lille) et de la Dr Justine Hugon (Paris) lors de la session « Le cœur des femmes et les gynécologues »
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